lundi 30 janvier 2012

Le doute s'installe …

Je profite de ma pause à Coyhaique également pour faire le point sur la suite de mon itinéraire car plusieurs cyclistes rencontrés au cours du voyage m'ont mis en garde sur un tronçon visiblement infranchissable pour moi. En effet, après Villa O'Higgins, la piste laisse place à un sentier extrêmement étroit – une soixantaine de centimètres par endroit - se faufilant au milieu d'une végétation dense.
Dans d'autres circonstances, j'aurais certainement tenté de passer mais avec tous les ennuis mécaniques que j'ai connu, je préfère jouer la sécurité. A contre cœur, je renonce donc à la partie sud de la Carretera Austral, réputée la plus belle et la plus sauvage.

Après deux jours de repos, je m'élance donc de Coyhaique en direction du Lago General Carrera - deuxième plus grand lac d'Amérique du Sud - pour mes derniers kilomètres sur la Carretera Austral. Durant l'ascension de la Cuesta del Diablo, j'aperçois l'immense étendue de la pampa argentine qui m'attend pour les prochains jours.



Puis l'horizon se bouche et le ciel se charge de nuage. Pour la première fois depuis mon départ de Puerto Montt, je rencontre (enfin !?) des conditions météorologiques « patagonesques » ! : pluie, brouillard, fortes bourrasques de vent, …
Cela pourrait sembler un cauchemar, mais ça n'est pas le cas car ce genre de paysage est peut être encore plus grandiose lorsque les éléments se déchaînent. Je suis même heureux d'admirer ces paysages uniques dans les conditions régnant ici dix mois sur douze. Arrivé au sommet entre deux averses, je bénéficie d'une vue époustouflante sur la vallée du Cerro Castillo. Je reste un long moment bouche bée devant ce paysage grandiose où se termine mon trajet sur la Carretera Austral.




Puis je bifurque donc en direction de l'Est, à contre cœur. Mais la beauté de la route, se faufilant entres plusieurs lacs et des montagnes pyramidales, me console rapidement de mon changement d'itinéraire. La journée se termine même en apothéose avec l'arrivée sur le Lac General Carrera aux eaux turquoises.




Je gagne ensuite le village de Puerto Ibanez, où la route se termine. Je compte y passer la nuit avant de m'embarquer le lendemain sur un ferry pour Chile Chico, de l'autre côté du lac. En ce samedi soir, le village semble désert, comme abandonné. Je trouve finalement une personne qui m'apprend que le prochain ferry ne part que le lendemain soir. Me voilà donc bloqué 24 heures dans ce village glauque. Et comme si cela ne suffisait pas, la pluie qui s'était calmée repart de plus belle.

Trouvant porte close au camping municipal, j'installe ma tente à l'écart du village, près de l'embarcadère, et m'y réfugie rapidement pour me mettre à l'abri de la pluie battante. Celle-ci tombe toute la nuit et, ajoutée à un vent violent faisant claquer la toile de ma tente dans un vacarme assourdissant, je ne ferme pas l’œil de la nuit.
Epuisé par cette nuit blanche, je me réfugie au petit matin sous un préau en construction à l'abri du vent et de la pluie, et passe la journée dans mon trike à dormir et travailler ma grammaire espagnole.

Juste avant d'embarquer sur le ferry, je retrouve Willy, un backpacker américain rencontré au camping de La Junta, sur la Carretera Austral. Je le quitte trois heures plus tard, lorsque nous arrivons à Chile Chico, alors qu'il fait déjà nuit depuis longtemps. A la lueur de ma frontale, je m'éloigne du village et m'installe en bord de lac. Le vent et la pluie, qui ne se sont pas calmés depuis la veille, ne me facilitent pas la tâche pour installer ma tente. Les nombreuses pierres me permettent cependant de mieux assurer ma tente que la veille. En revanche, elles ne constituent pas un tapis très confortable, surtout avec mon matelas percé que je n'ai pas réussi à réparer. Mais je suis tellement fatigué que je m'endors rapidement et ne me réveille qu'au lever du soleil.

Le lendemain matin, le vent est presque tombé et il ne pleut plus. Je profite de cette accalmie pour me mettre rapidement en route et gagner la frontière argentine, distante de quinze kilomètres.
Je continue de longer le lac Carrera - qui en Argentine prend le nom de Lago Buenos Aires - pendant plusieurs kilomètres avant de m'enfoncer dans la pampa argentine.



Plus j'avance et plus je découvre un paysage désolé qui me terrifie. Le doute s'empare alors de moi. Vais-je avoir le courage d'entreprendre une nouvelle traversée de désert ? Car sur ma carte, il n'y a rien sur des centaines de kilomètres. Rien d'autre que de la pampa à perte de vue...

vendredi 27 janvier 2012

Carretera Austral, deuxième tentative !

¡Caramba! ressuscitée par Docteur Luis, je peux m'embarquer sur le ferry pour Chaitén afin de reprendre mon voyage là où je l'ai arrêté.
Arrivé au petit matin à Chaitén, je me mets immédiatement en route, non sans une certaine appréhension, ne sachant pas si la réparation va tenir sur cette route éprouvante pour le matériel qu'est la Carretera Austral. Je roule prudemment, à l'écoute du moindre bruit suspect et passe le virage où j'ai cru que l'aventure était terminée avec soulagement. Il ne s'agit cependant pas de s'emballer car après trente kilomètres l'asphalte fait place à une piste caillouteuse assez dégradée.

Je me fais dépasser par quatre cyclistes chiliens et un brésilien rencontrés sur le bateau. Ceux-ci me doublent presque sans un mot. Alors qu'au Pérou ou en Bolivie la rencontre d'un cycliste constituait l'événement de la journée, ici ça n'est pas le cas. Sur cette route magique, deux types de cyclistes se côtoient ainsi : ceux voyageant depuis de long mois – on les reconnaît aisément avec un matériel usé et une longue barbe - et ceux effectuant uniquement le trajet de la Carretera Austral. Alors que les premiers s'arrêtent systématiquement à la vue d'un vélo, les seconds vont rarement plus loin qu'un rapide salut.

Arrivé en fin de journée à Villa Santa Lucia, un village sans charme fondé en 1982 dans le cadre de la construction de la route, je m'arrête seulement le temps de faire le plein de provisions. Pourquoi payer pour un camping miteux dans village glauque - comme ont prévu de le faire les autres cyclistes - alors que quelques kilomètres plus loin, un magnifique endroit au bord du Rio Frio n'attend que moi ?


Le lendemain, sous un soleil radieux, je m'élance sur la Carretera encore plus prudemment que la veille car la piste est de plus en plus en plus dégradée. Le profil de la route - une succession de montées et descentes - n'arrange pas non plus mes affaires. J'ai tellement peur de briser de nouveau mon cadre que j'effectue les descentes agrippé aux freins. Résultat, je mets plus de huit heures pour parcourir une soixantaine de kilomètres et rallier le village de la Junta où je retrouve le cycliste brésilien. Cette fois, je me paie un camping pour prendre une bonne douche chaude. C'est aussi l'occasion de rencontrer d'autres voyageurs – cyclistes et backpackers - avec qui je passe une agréable soirée.

Les jours suivant, la Carretera se fait de plus en plus sauvage. J'enchaîne les panoramas somptueux, me donnant l'occasion d'admirer lacs, montagnes et fjords.






Le spectacle est rendu encore plus beau par un grand ciel bleu m'accompagnant la plupart du temps et un trafic quasiment inexistant. Chaque bivouac me donne également l'occasion de profiter de sublimes couchers de soleil et de ciels étoilés d'une rare intensité.
Emporté par la magie des lieux et des longues journées de l'été austral, j'effectue de longues étapes - plus de huit heures de pédalage chaque jour -, me permettant de rattraper le retard pris avec mon avarie. Cinq jours après mon départ de Chaitén, j'arrive ainsi à Coyhaique. Une arrivée en fanfare, mon compteur affichant désormais dix mille kilomètres parcourus.

Située exactement au milieu de la Carretera Austral, Coyhaique est la seule véritable ville de la Patagonie chilienne. Point de passage obligé pour les voyageurs en transit vers le nord ou le sud du Chili, ou vers l'Argentine, la ville est très touristique. Après plusieurs jours de solitude, le retour à la civilisation est donc quelque peu brutal. Malgré les hordes de touristes je décide de faire étape ici car j'ai besoin de me reposer. Je m'installe dans une chambre d'hôtel, la première depuis Santiago du Chili. Mais après un mois sous tente ou à la belle étoile, j'ai perdu l'habitude de dormir entre quatre murs. Je passe de très mauvaises nuits, pris dans des rêves de claustrophobie où les murs se rétrécissent jusqu'à m'écraser ! Cette pause à Coyhaique me permet tout de même de reprendre des forces, notamment en dégustant de délicieuses truites dont les environs regorgent et qui attirent d'ailleurs des amateurs de pêche sportive du monde entier.

10.000 bornes !!!

Bonjour à tous,

Un court message pour vous dire que je viens de mettre le blog à jour au niveau des photos, non seulement dans les articles, mais également dans les différents albums Picasa (les liens se trouvent sous la rubrique "Albums Photos" ). J'ai ausi ajouté des légendes à toutes les photos qui en étaient dépourvues, c'est-à-dire depuis le Nord de l'Argentine.

Je vous écris depuis Coyhaique - LA ville de la Patagonie chilienne -, située au milieu de la Carretera Austral et tout va bien. La réparation sur mon cadre semble tenir le coup même si je pilote désormais très prudemment, en particulier lorsque la piste est mauvaise

J'ai profité de ma pause ici pour me payer un hôtel - le premier depuis Nöel. Je me suis aussi payé un bon gueuleton pour fêter la barre symbolique des 10.000 kilomètres que j'ai franchi juste avant d'entrer dans la ville.

Je repars demain en direction du Lago General Carrera sur cette route magique qu'est la Carretera Austral...

vendredi 20 janvier 2012

Je vais arriver au bout !

Bonjour à tous et bonne année 2012!


je suis enfin de retour sur le blog après une longue absence. Vous allez voir qu'il m'est arrivé pas mal de choses ces derniers temps! Je viens d'ajouter six billets et vouz avez de quoi faire, j'en ai écris des tartines!

En revanche, je n'ai pas eu le temps de trier mes photos donc ca sera pour plus tard.

Je prends ce soir le ferry pour Chaiten pour reprendre ma route là où je l'ai terminée ...

Dimitri

jeudi 19 janvier 2012

¡Aïe ¡Caramba!!

Tous les cyclistes quittent le camp les uns après les autres alors que je m’occupe de ¡Caramba! Je réussi à redresser l’axe de serrage de roue, puis réduit la longueur de chaîne afin de pouvoir rouler avec une seule vitesse. Je me mets en route sans grand espoir, mais à ma plus grande surprise, ma réparation fonctionne … mas o menos comme on dit ici ! 




Malgré cela, la piste est tellement mauvaise que je dois régulièrement pousser le vélo. Je mets ainsi six heures pour parcourir une quarantaine de kilomètres et arrive dans un grand état de fatigue à Chaitén, où je retrouve les deux colombiens et le canadien à la terrasse d’un des seuls restaurants ouverts.



Le village de Chaitén est un village fantôme depuis l’éruption du volcan éponyme, le 2 mai 2008. Car l’éruption de ce volcan, pourtant considéré jusque là comme éteint, a été d’une incroyable violence. Le panache volcanique s’est élevé à plus de trente kilomètres d’altitude et les nuées ardentes dévalant les pentes du volcan ont détruit une grande partie du village de Chaitén. Heureusement, les 5.000 habitants avaient eu le temps d’être évacué et aucune victime n’a été à déplorer, même si beaucoup ont tout perdu dans cette éruption.

Malgré la fatigue, je prends le temps de parcourir les rues du village. La vision est apocalyptique : la cendre recouvre encore une bonne partie du village et la plupart des maisons sont abandonnées. La reconstruction ne fait que commencer et seule une petite partie des habitants est revenue car beaucoup ont été traumatisés. De plus, le volcan crache toujours d’importants panaches de fumées.




Le lendemain je me mets en route en espérant que ma réparation tiendra le coup... Les premiers kilomètres se passent bien puisque la route est plate et asphaltée. Ne disposant plus que d’une seule vitesse, j’avance doucement, prenant ainsi le temps d’admirer le paysage...





... quand tout à coup … je perds le contrôle de ¡Caramba!. J’arrive à m’arrêter rapidement sur le bas côté sans comprendre ce qu’il vient de se passer. Et puis je constate les dégâts : mon cadre vient de se briser, plus exactement le bras avant droit !!!



Dans l’action ma main droite a été blessée mais la blessure est superficielle, j’ai seulement la peau arrachée sur quelques centimètres. Heureusement que je n'allais pas vite, sinon les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves.
Complètement assommé, j’erre autour de ¡Caramba! pendant plusieurs minutes avant de tenter de reprendre mes esprits. Je désinfecte tout d’abord ma main puis examine en détail le vélo. L’affaire est vraiment mal engagée puisque non seulement le cadre s’est brisé net mais en plus une pièce de direction en plastique a également été arrachée.
Cette fois je pense qu’on ne peut plus rien faire, c’est fini…
Comme un symbole, mon voyage se termine là où la vie s’est arrêtée il y a près de quatre ans.

Je démonte alors ¡Caramba!. Je n’ai plus qu’a faire du stop jusqu’à Chaitén d’où je pourrai regagner Puerto Montt en bus. De là, je compte  renvoyer ¡Caramba! en France et poursuivre mon voyage en  bus et sac à dos.

C’est alors qu’arrivent Joost et Michiel, les deux hollandais aux vélos de bambou. Ils ont débarqués à Chaitén ce matin, en provenance de l’île de Chiloé, et voyagent avec un de leurs amis qui les accompagne pour quelques semaines. Ils essaient de me remonter le moral en m’indiquant que leur ami a acheter son vélo à Puerto Montt pour quelques dizaines d’euros et que je pourrai faire de même. Mais je ne suis plus dans l’esprit…
Je leur souhaite bonne route et les regarde s’éloigner, un peu mélancolique, un peu envieux aussi.



Arrive ensuite un cycliste espagnol. Il s’arrête et me propose de m’aider. Je le remercie mais lui indique qu’il n’y a plus rien à faire. Il me quitte alors en me disant qu’il va signaler aux automobilistes qu’il croisera que j’ai besoin d’aide.
Quelques minutes plus tard, une voiture s’arrête en me demandant si je suis le malheureux cycliste qui vient de briser son vélo. J’acquiesce du regard et l’automobiliste me propose alors de me ramener à Chaitén. La voiture n’est pas grande et ma main droite me fait souffrir mais j’arrive tout de même à tout charger dans le coffre.
Mon sauveur s’appelle Paola, une jeune femme vivant à Puerto Varas en déplacement dans la région pour le travail. Et pas n’importe quel travail. Paola est en effet géographe pour l’ONG Patagonia ¡Sin Represas! qui se bat contre un projet effroyable : la construction d’un barrage de 80 mètres de hauteur dans le sud de la Patagonie et l’édification d’une ligne à haute tension pour acheminer l’électricité produite par ce barrage à Santiago, près de 2.000 kilomètres plus au nord ! Il va sans dire qu’en plus de défigurer la Patagonie, l’édification de ce barrage aurait des conséquences écologiques mais aussi économiques – en tuant une partie du tourisme - dramatiques pour la région. Je la quitte en la remerciant chaleureusement de son aide et lui souhaite de mener à bien sa mission pour qu’une telle horreur ne se produise jamais !


Je reste alors plusieurs heures sur un banc de Chaitén, à me lamenter sur mon sort tout en contemplant l’Océan. Peu à peu, le voile nuageux se lève, laissant place à un magnifique ciel bleu et à un soleil étincelant. J’y vois un signe et me ressaisis. Je n’ai n’as pas parcouru tous ces kilomètres et surmonté tous ces ennuis pour terminer le voyage de cette façon ! Ou comme dirait Emeric, « je ne suis pas venu ici déguisé en feuille de coca pour me faire bouffer le cul par des lamas » (version sud-américaine de la feuille de chou et du lapin, les initiés apprécieront !).
Surtout, je me rappelle que la partie du cadre s’étant brisée est en acier - c'est d'ailleurs une des raisons m'ayant fait choisir ce modèle - et qu’il devrait donc être possible de la ressouder. Reste le problème de la pièce de direction, spécifique à mon trike et donc introuvable ici. Mais c’était la même chose pour l’axe de ma roue gauche et on a bien trouvé une solution. Donc l’espoir est permis. Mais comme aujourd’hui nous sommes dimanche, je dois patienter jusqu'à demain.

En fin de journée, je tombe dans une rue de Chaitén sur Siska, la cycliste belge. Elle m’indique que l’ami de Joost et Michiel termine son voyage à Coyhaique, à 400 km au Sud et entend laisser son vélo là-bas. Si je n’arrive pas à réparer ¡Caramba!, cela pourrait donc être une solution.

Le lendemain, je rejoins la Carretera Austral en portant ¡Caramba! dans l’idée d’y faire du stop. On m’a indiqué qu’une droguerie / garage / atelier de vélo se trouvait à une dizaine de kilomètres de Chaitén. Je patiente pendant plus de deux heures au bord de la route et renonce finalement, estimant que je perds mon temps. Les réparations à effectuer sont effet énormes et j’aurais plus de chance de trouver une solution à Puerto Montt. Mais le prochain bus n’est que le lendemain en fin de matinée. En attendant, je suis donc bloqué pour le reste de la journée dans ce village mort où il n’y a rien à faire. Une vraie prison à ciel ouvert.

Le lendemain à 11h30 enfin, je monte dans le bus en direction de Puerto Montt. Celui-ci va reprendre exactement la route que j’ai empruntée quelques jours auparavant, avec une arrivée prévue à 20 heures. Mais les choses ne se passent du tout comme prévu. A cause d’un problème de ferry, nous restons bloqués plus de huit heures sur la portion de dix kilomètres, au milieu de nulle part ! Nous arrivons finalement à Puerto Montt à 5 heures du matin. Le bus me dépose devant la gare routière – pas encore ouverte – et je me retrouve alors seul, de nuit, dans le quartier le plus mal famé de la ville. Heureusement, j’aperçois au loin une fourgonnette de carabiniers montant la garde. Je reste ainsi plusieurs heures jusqu’à ce que la ville se réveille puis cherche un taxi pour rejoindre l’hospedaje familial dans lequel j’avais séjourné il y a une petite semaine. Mais aucun taxi n’accepte de me prende. Comme l’hôtel ne se situe pas à plus de dix minutes de marche, je me résous à accrocher ¡Caramba! à un poteau et à faire le trajet en deux fois : l’un avec les sacoches, l’autre avec le vélo.

Puis je rends visite à Luis - ou plutôt Docteur Luis comme on l'appelle ici ! -, le technicien à qui j’avais confié ¡Caramba! la dernière fois. Il me dit qu’il peut faire quelque chose. Il téléphone tout d’abord à son frère qui, coup de chance énorme, est soudeur. Celui-ci peut souder le vélo dans la journée. Puis il s’occupe de la pièce de direction. Il m’emmène en voiture dans un magasin de pièces détachées de voiture, cette pièce ressemblant à une pièce utilisée dans le bras d’ouverture des coffres. Mais chou blanc, nous ne trouvons pas la pièce. Nous nous rendons alors dans un garage travaillant la résine. Et là nous trouvons quelqu’un pour réparer cette pièce. Je quitte alors Luis optimiste et lui donne rendez-vous le lendemain pour récupérer ¡Caramba! En entrant le lendemain dans son atelier, j’ai la joie de découvrir ¡Caramba! remis sur patte ! Le frère de Luis ne s’est pas contenté de souder. Il a également insérer un renfort métallique à l’intérieur du tube - complètement oxydé -, pour une meilleure résistance.
Luis installe ensuite la pièce de direction ainsi qu’un nouveau dérailleur et me règle tout le vélo.



Je regagne l’hôtel dans un état d’euphorie. Celle-ci est un peu plombée quelques minutes plus tard car en arrivant dans le jardin je découvre qu’un des arceaux métalliques de ma tente s’est brisé.



J’ai vraiment la chcoumoune, d’autant plus que ça n’est pas tout. En me couchant, je découvre que mon matelas a crevé … Rien ne m’aura été épargné durant ce voyage ! Rien !

samedi 14 janvier 2012

Patagonie, me voici !

A Puerto Montt, j'installe ma tente dans le jardin d'un hospedaje familial. J'aurais pu me payer une chambre mais je me sens mieux dans ma tente qu'emprisonné entre quatre murs. Je n'ai ainsi plus dormi dans un lit depuis Noël.
Dès mon arrivée, je m'occupe de trouver un magasin de vélo. La chance me sourit car à 500 mètres de l'hôtel, je tombe sur un atelier tenu par un passionné, Luis. Je lui amène ¡Caramba! Et en plus de réparer mon frein de parking qui ne fonctionnait plus depuis un bon bout de temps, il me bricole une super pièce pour réparer solidement mon axe de roue avant gauche. En revanche, il ne dispose pas de patte de dérailleur de rechange mais me confirme que je peux rouler comme ça – le dérailleur directement accroché avec le serrage rapide – sans problème. Je lui achète aussi quelques chambres à air afin de ne pas revivre le scénario catastrophe de la Route des Sept Lacs.

C’est donc serein que je quitte Puerto Montt en ce 12 janvier et que je m’engage sur une route fabuleuse, peut-être la route la plus belle et la plus magique du monde : la Carretera Austral. On l’a doit à un homme qui, plus de vingt ans après avoir quitté le pouvoir et six ans après sa mort, divise encore les Chiliens, le général Pinochet. En effet, malgré toutes les horreurs commises durant sa dictature, Pinochet occupe encore une place de choix dans le cœur de nombreux Chiliens, notamment dans cette région de Patagonie. Car jusqu’à la construction de cette route – commencée au milieu des années 1980 mais terminée seulement en 1995 – ces régions étaient extrêmement isolées, prisonnières entre la Cordillère des Andes et la côte déchirée de l’Océan Pacifique. Beaucoup de villages n'étaient accessibles que par la mer ou par l'Argentine.




Si l’on met de côté ces considérations historiques et politiques, cette route est un chef d’œuvre. Longue de 1.200 kilomètres, elle traverse toute la partie nord de la Patagonie chilienne. Elle relie ainsi Puerto Montt à Villa O’Higgins, tantôt longeant le Pacifique, tantôt évoluant entre deux chaînes de la Cordillère en traversant de nombreuses rivières et en se faufilant entre rivières, lacs, fjords, glaciers, volcans, …
Mais avoir la chance d’admirer ces fabuleux paysages se mérite. S’engager sur la Carretera Austral - anciennement Ruta Pinochet - constitue, en effet, encore une aventure. Car la majorité de la route est une piste en très mauvais état avec de la grosse caillasse. Une piste certes sans gros col mais jamais plate. De plus, la météo y est très capricieuse avec de fortes précipitations et un vent à décorner les bœufs. Enfin, il ne faut pas craindre la solitude dans cette région où la densité est inférieure à un habitant/km carré.

La Carretera Austral débute immédiatement à la sortie de Puerto Montt. Les quarante premiers kilomètres sont asphaltés et m’offrent une superbe vue sur la baie de Puerto Montt.



Puis j’entre dans le vif du sujet avec cinq kilomètres de piste vraiment défoncée pour atteindre La Arena. Ici, la route est interrompue une première fois par l’estuaire de Reloncavi. Il me faut continuer en ferry. Après 30 minutes de traversée, j’arrive à Puelche.


Au lieu de poursuivre ma route sur la Carretera Austral qui s’enfonce dans les terres, j’opte pour la piste côtière et je ne suis pas déçu. Plus j’avance et plus je suis seul et plus je découvre des paysages somptueux. Pour cette première journée en Patagonie, je vis tout simplement un rêve. Cette journée est tellement magique que je n’arrive pas à m’arrêter. Je roule ainsi jusqu’au crépuscule et pose ma tente sur la plage.





Après une courte nuit, je reprends la route côtière puis rejoint la Carretera Austral avant d’arriver à Hornopiren en fin de matinée.




Ici, la route s’interrompt une deuxième fois. Alors que je patiente pour prendre l’un des deux ferries quotidiens, je vois arriver deux cyclos un peu spéciaux. Ce couple de brésiliens dont j’ai honteusement oublié les prénoms, a en effet décidé de parcourir la Carretera Austral en fixies ! Pour les non-initiés, il s’agit initialement de vélos de piste (pour vélodrome) dont l’usage a été popularisé par les coursiers new-yorkais et qui ont envahit les rues des grandes villes françaises depuis deux ou trois ans. Ces vélos ne possèdent qu’une seule vitesse et le freinage s’effectue en bloquant les pédales. De plus ils sont montés avec des roues de 700 et des pneus très fins absolument pas adaptés à la caillasse de Patagonie ! Comme quoi, je ne suis pas le seul à aimer la difficulté !

Ensemble, nous nous mettons à la recherche d’un camion pour charger les vélos. En effet, ils m’apprennent que la traversée s’effectue en deux temps : quatre heures de ferry pour traverser le Fjord de Comau, dix kilomètres de route, puis 30 minutes de navigation dans le Fjord de Reñihue. Le problème, c’est que nous ne disposons que de quinze minutes pour parcourir ces dix kilomètres. Totalement irréalisable en vélo. Il y aurait bien la solution d’effectuer le trajet en deux jours mais la compagnie voudrait nous faire payer deux fois. Hors de question. Heureusement, spontanément un chauffeur ayant entendu la discussion se propose de nous aider et charge les vélos dans son camion. Vraiment sympa, d’autant plus qu’ainsi je n’ai pas à payer de billet pour ¡Caramba!



 Après cinq heures de voyage, nous arrivons à Caleta Gonzalo, à l’entrée du (superbe) parc Pumalin.




Il est déjà plus de dix-neuf heures, mais nous nous engageons sur la piste - toujours plus défoncée –afin d’atteindre une zone de bivouac, à quatorze kilomètres de là. Après seulement cinq kilomètres, en pleine côte, j’entends un gros craquement. Je devine immédiatement que mon dérailleur vient de casser. Casser est un faible mot. Celui-ci a explosé en trois morceaux.



Le choc a également endommagé l’axe de serrage de la roue sur lequel il était accroché ! J’ai parcouru à peine 150 kilomètres sur la Carretera Austral que j’ai déjà des ennuis ! Ca commence bien ! Mais je ne veux pas retourner à Puerto Montt pour si peu. Je trouverai bien une solution en route. En attendant, avec la nuit qui commence à tomber, je n’ai pas d’autre choix que de pousser. Je pousse ainsi pendant près de dix kilomètres à la lueur de ma frontale. Mais je ne suis pas seul car les brésiliens n’arrivent quasiment pas avancer avec leurs fixies dans cette grosse caillasse et poussent également la plus grande partie du temps.


Nous arrivons tous trois au bivouac, bien entamés, à près de 23 heures. J’y retrouve un couple allemand avec qui j’avais célébré la nouvelle année au bord du Lac Tinquilco. En montant ma tente, j’aperçois aussi trois autres vélos mais leurs propriétaires dorment déjà. Je fais leur connaissance le lendemain. Il s’agit de deux colombiens et d’un canadien quinquagénaires voyageant ensemble sur la Carretera Austral. Moi qui ai croisé relativement peu de cyclotouristes sur la route depuis le début de mon voyage, cela fait bizarre d’en voir autant d’un coup, qui plus est avec des vélos tout propres, des sacoches toute neuves, … car tous ont commencé leur voyage à Puerto Montt.

mardi 10 janvier 2012

Un avant goût de Patagonie

Le temps de faire mes adieux à Ricardo et Jonathan et j'entame l'ascension devant me mener au Chili. La montée n'est pas très difficile car la Cordillère des Andes n'est pas très haute à cet endroit. Ainsi, le col faisant office de frontière ne se situe qu'à 1.300 mètres d'altitude. En revanche, plus je monte et plus il y a de cendres, aussi bien sur le sol que dans l'air. La route menant au Chili passe en effet au plus près du volcan Puyehue et a d'ailleurs été régulièrement fermée ces dix derniers mois. Mon ennemi ici n'est donc pas la côte mais les fortes bourrasques de vent me recouvrant à chaque fois complètement de cendres. J'en ai partout, y compris dans la bouche.


Au poste frontière argentin le douanier, après m'avoir délivré mon tampon de sortie du territoire, m'explique que tous les propriétaires de véhicules – y compris les vélos - doivent remplir un formulaire complet (immatriculation, marque, modèle, puissance, numéro de moteur, etc). Je fais donc sagement la queue plus d'une demi-heure et lorsqu'enfin arrive mon tour, le guichetier, découvrant le formulaire aux trois quarts vide me montre comment le remplir. Je lui explique que je suis en vélo et là il me répond : « Ah, en vélo. Mais vous n'aviez pas besoin de faire la queue ! » No comment !


Arrivé au col, je découvre un paysage de désolation car beaucoup d'arbres sont morts.




J'ai aussi la surprise de découvrir un climat très différent. Alors qu'il faisait beau et chaud côté argentin, plus je descend et plus l'air se rafraîchit. Une pluie très légère se met à tomber, entraînant avec elle tout les cendres en suspension dans l'air. En arrivant au poste frontière chilien, je dois vraiment avoir une sale tête car les douaniers me demandent avec compassion si tout va bien. Ils ont tellement pitié de moi qu'ils me dispensent de la fouille des bagages. Un rapide coup de tampon sur mon passeport déjà bien rempli et me voilà une nouvelle fois dans la patrie de Pablo Neruda et Gabriela Mistral.

Je reprends la route en direction du Lac Puyehue, que je longe pendant une vingtaine de kilomètres sous un ciel de plus en plus noir. Je cherche désespérément un endroit pour camper mais je ne trouve rien tous les abords du lac étant privatisés. Finalement, je me résigne à payer un camping. J'ai cependant le plaisir de découvrir que celui-ci n'est pas bondé, loin de là. Peut être parce qu'il n'y a pas d'eau chaude dans les douches. Pour moi ça n'est pas grave, je suis habitué. Et au moins, j'ai la paix, avec un bel emplacement en bord de lac.

Le lendemain, le temps n'est pas meilleur. Le vent souffle encore plus fort et après dix kilomètres, une grosse pluie se met à tomber. Je ressors pantalon et veste gore-tex qui n'avaient plus servis depuis un bon moment !


Heureusement dans la journée le temps se lève. J'arrive ainsi au Lac Llanquihue sous le soleil. Le Llanquihue est un lac magnifique, bordé de plusieurs volcans dont le majestueux Osorno (2.652 mètres). Avant de gagner Puerto Varas par la rive est, je décide de faire un détour sur la rive ouest jusqu'au village de Puerto Octay, un des plus beaux villages de la région et un des emblèmes de l'arrivée des premiers colons allemands dans la région, au milieu du XIXème siècle. Je pousse ensuite jusqu'à la péninsule Centinela où je campe au bord du lac.



Mais je ne peux pas vraiment en profiter car rapidement, le temps tourne à l'orage et c'est sous des trombes d'eau que je reprends la route le lendemain. Celles-ci durent toute la journée et me prive de toute vue sur les montagnes et volcans avoisinants.



Arrivé à Ensenada, à l'extrémité Est du Llanquihue, je bifurque en direction de Pétrohué pour une courte visite du Parc National Vicente Perez Rosales - le plus ancien du Chili. Après quinze kilomètres dont six sur une piste rendue boueuse par les fortes précipitations des derniers jours, j'arrive détrempé au bord du sublime lac Todos Los Santos. Une fois les derniers touristes partis, j'installe ma tente sur la plage du lac et profite d'un somptueux arc-en-ciel illuminant le lac et les fjords, … avant que la pluie ne reprenne de plus belle.




Pendant la nuit, la température chute et je ferme alors le zip de mon duvet pour plus de chaleur. Et là, comme si je n'avais pas eu assez d'emmerdes, celle-ci se bloque dans le tissu du duvet. Ça n'est pas la première fois que cela arrive sauf que cette fois, c'est vraiment bien bloqué. Je tire, je tire … et crac ! La catastrophe, je viens de déchirer mon duvet sur plus de cinq centimètres ! Les plumes commencent déjà à sortir et à se répandre dans la tente... Je les ramasse toutes et rebouche le trou avec un bout de scotch américain. J'espère que cette solution tiendra jusqu'à la fin du voyage...

Il a plu toute la nuit et pleut encore le lendemain lorsque je me lève. Un bon entraînement avant la Patagonie car je risque de connaître des conditions similaires, voire pires plus au Sud. J'enfile mes vêtements encore humides et me mets en route rapidement car sur la route, j'ai prévu de faire une pause pour aller observer les chutes de Pétrohué.




 Mais la journée commence plutôt mal car après seulement deux kilomètres, ma roue avant gauche se bloque complètement. La réparation effectuée à Pucon n'aura donc pas tenue longtemps. L'axe de serrage est en effet sorti aux trois quarts du moyeu, endommageant au passage celui-ci ainsi que mon disque de frein.
Je ne panique pas et à mon grand étonnement et pour ma plus grande joie, j'arrive assez rapidement à tout remettre en état sans l'aide de personne. Je vais finir ce voyage en mécano pro !
Malgré les trombes d'eau qui continuent de s'abattre sur moi, j'avance dans un état d'euphorie. Je tempère cependant mes ardeurs car mon problème d'axe n'est absolument pas résolu et je garde en permanence un œil sur ma roue avant gauche, histoire de ne pas revivre la même mésaventure.
Je regagne rapidement la route du lac, puis prend la direction de Puerto Varas et enfin de Puerto Montt. Sur la route, je suscite un enthousiasme inhabituel. En arrivant à Puerto Montt, je comprends pourquoi. Tous les passionnés de cyclisme de la région s'étaient donnés rendez-vous dans cette ville aujourd'hui pour assister au contre-la-montre du 31ème Tour cycliste du Chili (tour remporté cette année par le chilien Patricio Almonacid).

Puerto Montt est une étape importante car c'est la porte d'entrée d'un lieu qui me fascine depuis tant d'années. Un lieu magique, sauvage, où l'aventure est encore possible : la Patagonie !
Avant d'entamer ce fabuleux voyage « Into the Wild », j'ai prévu de rester un jour dans cette ville fondée par les colons allemands en 1853 et qui connaît depuis vingt ans une croissance vertigineuse portée par l'élevage de saumon, faisant ainsi du Chili le deuxième producteur mondial en la matière.
Mais si je reste ici, ça n'est pas pour le saumon mais pour remettre sur pied ¡Caramba! qui, encore plus que moi, commence à être vraiment fatigué ! Une fois en Patagonie en effet, je risque de ne plus trouver beaucoup de magasins de vélos sur ma route...