mardi 10 janvier 2012

Un avant goût de Patagonie

Le temps de faire mes adieux à Ricardo et Jonathan et j'entame l'ascension devant me mener au Chili. La montée n'est pas très difficile car la Cordillère des Andes n'est pas très haute à cet endroit. Ainsi, le col faisant office de frontière ne se situe qu'à 1.300 mètres d'altitude. En revanche, plus je monte et plus il y a de cendres, aussi bien sur le sol que dans l'air. La route menant au Chili passe en effet au plus près du volcan Puyehue et a d'ailleurs été régulièrement fermée ces dix derniers mois. Mon ennemi ici n'est donc pas la côte mais les fortes bourrasques de vent me recouvrant à chaque fois complètement de cendres. J'en ai partout, y compris dans la bouche.


Au poste frontière argentin le douanier, après m'avoir délivré mon tampon de sortie du territoire, m'explique que tous les propriétaires de véhicules – y compris les vélos - doivent remplir un formulaire complet (immatriculation, marque, modèle, puissance, numéro de moteur, etc). Je fais donc sagement la queue plus d'une demi-heure et lorsqu'enfin arrive mon tour, le guichetier, découvrant le formulaire aux trois quarts vide me montre comment le remplir. Je lui explique que je suis en vélo et là il me répond : « Ah, en vélo. Mais vous n'aviez pas besoin de faire la queue ! » No comment !


Arrivé au col, je découvre un paysage de désolation car beaucoup d'arbres sont morts.




J'ai aussi la surprise de découvrir un climat très différent. Alors qu'il faisait beau et chaud côté argentin, plus je descend et plus l'air se rafraîchit. Une pluie très légère se met à tomber, entraînant avec elle tout les cendres en suspension dans l'air. En arrivant au poste frontière chilien, je dois vraiment avoir une sale tête car les douaniers me demandent avec compassion si tout va bien. Ils ont tellement pitié de moi qu'ils me dispensent de la fouille des bagages. Un rapide coup de tampon sur mon passeport déjà bien rempli et me voilà une nouvelle fois dans la patrie de Pablo Neruda et Gabriela Mistral.

Je reprends la route en direction du Lac Puyehue, que je longe pendant une vingtaine de kilomètres sous un ciel de plus en plus noir. Je cherche désespérément un endroit pour camper mais je ne trouve rien tous les abords du lac étant privatisés. Finalement, je me résigne à payer un camping. J'ai cependant le plaisir de découvrir que celui-ci n'est pas bondé, loin de là. Peut être parce qu'il n'y a pas d'eau chaude dans les douches. Pour moi ça n'est pas grave, je suis habitué. Et au moins, j'ai la paix, avec un bel emplacement en bord de lac.

Le lendemain, le temps n'est pas meilleur. Le vent souffle encore plus fort et après dix kilomètres, une grosse pluie se met à tomber. Je ressors pantalon et veste gore-tex qui n'avaient plus servis depuis un bon moment !


Heureusement dans la journée le temps se lève. J'arrive ainsi au Lac Llanquihue sous le soleil. Le Llanquihue est un lac magnifique, bordé de plusieurs volcans dont le majestueux Osorno (2.652 mètres). Avant de gagner Puerto Varas par la rive est, je décide de faire un détour sur la rive ouest jusqu'au village de Puerto Octay, un des plus beaux villages de la région et un des emblèmes de l'arrivée des premiers colons allemands dans la région, au milieu du XIXème siècle. Je pousse ensuite jusqu'à la péninsule Centinela où je campe au bord du lac.



Mais je ne peux pas vraiment en profiter car rapidement, le temps tourne à l'orage et c'est sous des trombes d'eau que je reprends la route le lendemain. Celles-ci durent toute la journée et me prive de toute vue sur les montagnes et volcans avoisinants.



Arrivé à Ensenada, à l'extrémité Est du Llanquihue, je bifurque en direction de Pétrohué pour une courte visite du Parc National Vicente Perez Rosales - le plus ancien du Chili. Après quinze kilomètres dont six sur une piste rendue boueuse par les fortes précipitations des derniers jours, j'arrive détrempé au bord du sublime lac Todos Los Santos. Une fois les derniers touristes partis, j'installe ma tente sur la plage du lac et profite d'un somptueux arc-en-ciel illuminant le lac et les fjords, … avant que la pluie ne reprenne de plus belle.




Pendant la nuit, la température chute et je ferme alors le zip de mon duvet pour plus de chaleur. Et là, comme si je n'avais pas eu assez d'emmerdes, celle-ci se bloque dans le tissu du duvet. Ça n'est pas la première fois que cela arrive sauf que cette fois, c'est vraiment bien bloqué. Je tire, je tire … et crac ! La catastrophe, je viens de déchirer mon duvet sur plus de cinq centimètres ! Les plumes commencent déjà à sortir et à se répandre dans la tente... Je les ramasse toutes et rebouche le trou avec un bout de scotch américain. J'espère que cette solution tiendra jusqu'à la fin du voyage...

Il a plu toute la nuit et pleut encore le lendemain lorsque je me lève. Un bon entraînement avant la Patagonie car je risque de connaître des conditions similaires, voire pires plus au Sud. J'enfile mes vêtements encore humides et me mets en route rapidement car sur la route, j'ai prévu de faire une pause pour aller observer les chutes de Pétrohué.




 Mais la journée commence plutôt mal car après seulement deux kilomètres, ma roue avant gauche se bloque complètement. La réparation effectuée à Pucon n'aura donc pas tenue longtemps. L'axe de serrage est en effet sorti aux trois quarts du moyeu, endommageant au passage celui-ci ainsi que mon disque de frein.
Je ne panique pas et à mon grand étonnement et pour ma plus grande joie, j'arrive assez rapidement à tout remettre en état sans l'aide de personne. Je vais finir ce voyage en mécano pro !
Malgré les trombes d'eau qui continuent de s'abattre sur moi, j'avance dans un état d'euphorie. Je tempère cependant mes ardeurs car mon problème d'axe n'est absolument pas résolu et je garde en permanence un œil sur ma roue avant gauche, histoire de ne pas revivre la même mésaventure.
Je regagne rapidement la route du lac, puis prend la direction de Puerto Varas et enfin de Puerto Montt. Sur la route, je suscite un enthousiasme inhabituel. En arrivant à Puerto Montt, je comprends pourquoi. Tous les passionnés de cyclisme de la région s'étaient donnés rendez-vous dans cette ville aujourd'hui pour assister au contre-la-montre du 31ème Tour cycliste du Chili (tour remporté cette année par le chilien Patricio Almonacid).

Puerto Montt est une étape importante car c'est la porte d'entrée d'un lieu qui me fascine depuis tant d'années. Un lieu magique, sauvage, où l'aventure est encore possible : la Patagonie !
Avant d'entamer ce fabuleux voyage « Into the Wild », j'ai prévu de rester un jour dans cette ville fondée par les colons allemands en 1853 et qui connaît depuis vingt ans une croissance vertigineuse portée par l'élevage de saumon, faisant ainsi du Chili le deuxième producteur mondial en la matière.
Mais si je reste ici, ça n'est pas pour le saumon mais pour remettre sur pied ¡Caramba! qui, encore plus que moi, commence à être vraiment fatigué ! Une fois en Patagonie en effet, je risque de ne plus trouver beaucoup de magasins de vélos sur ma route...

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