samedi 14 janvier 2012

Patagonie, me voici !

A Puerto Montt, j'installe ma tente dans le jardin d'un hospedaje familial. J'aurais pu me payer une chambre mais je me sens mieux dans ma tente qu'emprisonné entre quatre murs. Je n'ai ainsi plus dormi dans un lit depuis Noël.
Dès mon arrivée, je m'occupe de trouver un magasin de vélo. La chance me sourit car à 500 mètres de l'hôtel, je tombe sur un atelier tenu par un passionné, Luis. Je lui amène ¡Caramba! Et en plus de réparer mon frein de parking qui ne fonctionnait plus depuis un bon bout de temps, il me bricole une super pièce pour réparer solidement mon axe de roue avant gauche. En revanche, il ne dispose pas de patte de dérailleur de rechange mais me confirme que je peux rouler comme ça – le dérailleur directement accroché avec le serrage rapide – sans problème. Je lui achète aussi quelques chambres à air afin de ne pas revivre le scénario catastrophe de la Route des Sept Lacs.

C’est donc serein que je quitte Puerto Montt en ce 12 janvier et que je m’engage sur une route fabuleuse, peut-être la route la plus belle et la plus magique du monde : la Carretera Austral. On l’a doit à un homme qui, plus de vingt ans après avoir quitté le pouvoir et six ans après sa mort, divise encore les Chiliens, le général Pinochet. En effet, malgré toutes les horreurs commises durant sa dictature, Pinochet occupe encore une place de choix dans le cœur de nombreux Chiliens, notamment dans cette région de Patagonie. Car jusqu’à la construction de cette route – commencée au milieu des années 1980 mais terminée seulement en 1995 – ces régions étaient extrêmement isolées, prisonnières entre la Cordillère des Andes et la côte déchirée de l’Océan Pacifique. Beaucoup de villages n'étaient accessibles que par la mer ou par l'Argentine.




Si l’on met de côté ces considérations historiques et politiques, cette route est un chef d’œuvre. Longue de 1.200 kilomètres, elle traverse toute la partie nord de la Patagonie chilienne. Elle relie ainsi Puerto Montt à Villa O’Higgins, tantôt longeant le Pacifique, tantôt évoluant entre deux chaînes de la Cordillère en traversant de nombreuses rivières et en se faufilant entre rivières, lacs, fjords, glaciers, volcans, …
Mais avoir la chance d’admirer ces fabuleux paysages se mérite. S’engager sur la Carretera Austral - anciennement Ruta Pinochet - constitue, en effet, encore une aventure. Car la majorité de la route est une piste en très mauvais état avec de la grosse caillasse. Une piste certes sans gros col mais jamais plate. De plus, la météo y est très capricieuse avec de fortes précipitations et un vent à décorner les bœufs. Enfin, il ne faut pas craindre la solitude dans cette région où la densité est inférieure à un habitant/km carré.

La Carretera Austral débute immédiatement à la sortie de Puerto Montt. Les quarante premiers kilomètres sont asphaltés et m’offrent une superbe vue sur la baie de Puerto Montt.



Puis j’entre dans le vif du sujet avec cinq kilomètres de piste vraiment défoncée pour atteindre La Arena. Ici, la route est interrompue une première fois par l’estuaire de Reloncavi. Il me faut continuer en ferry. Après 30 minutes de traversée, j’arrive à Puelche.


Au lieu de poursuivre ma route sur la Carretera Austral qui s’enfonce dans les terres, j’opte pour la piste côtière et je ne suis pas déçu. Plus j’avance et plus je suis seul et plus je découvre des paysages somptueux. Pour cette première journée en Patagonie, je vis tout simplement un rêve. Cette journée est tellement magique que je n’arrive pas à m’arrêter. Je roule ainsi jusqu’au crépuscule et pose ma tente sur la plage.





Après une courte nuit, je reprends la route côtière puis rejoint la Carretera Austral avant d’arriver à Hornopiren en fin de matinée.




Ici, la route s’interrompt une deuxième fois. Alors que je patiente pour prendre l’un des deux ferries quotidiens, je vois arriver deux cyclos un peu spéciaux. Ce couple de brésiliens dont j’ai honteusement oublié les prénoms, a en effet décidé de parcourir la Carretera Austral en fixies ! Pour les non-initiés, il s’agit initialement de vélos de piste (pour vélodrome) dont l’usage a été popularisé par les coursiers new-yorkais et qui ont envahit les rues des grandes villes françaises depuis deux ou trois ans. Ces vélos ne possèdent qu’une seule vitesse et le freinage s’effectue en bloquant les pédales. De plus ils sont montés avec des roues de 700 et des pneus très fins absolument pas adaptés à la caillasse de Patagonie ! Comme quoi, je ne suis pas le seul à aimer la difficulté !

Ensemble, nous nous mettons à la recherche d’un camion pour charger les vélos. En effet, ils m’apprennent que la traversée s’effectue en deux temps : quatre heures de ferry pour traverser le Fjord de Comau, dix kilomètres de route, puis 30 minutes de navigation dans le Fjord de Reñihue. Le problème, c’est que nous ne disposons que de quinze minutes pour parcourir ces dix kilomètres. Totalement irréalisable en vélo. Il y aurait bien la solution d’effectuer le trajet en deux jours mais la compagnie voudrait nous faire payer deux fois. Hors de question. Heureusement, spontanément un chauffeur ayant entendu la discussion se propose de nous aider et charge les vélos dans son camion. Vraiment sympa, d’autant plus qu’ainsi je n’ai pas à payer de billet pour ¡Caramba!



 Après cinq heures de voyage, nous arrivons à Caleta Gonzalo, à l’entrée du (superbe) parc Pumalin.




Il est déjà plus de dix-neuf heures, mais nous nous engageons sur la piste - toujours plus défoncée –afin d’atteindre une zone de bivouac, à quatorze kilomètres de là. Après seulement cinq kilomètres, en pleine côte, j’entends un gros craquement. Je devine immédiatement que mon dérailleur vient de casser. Casser est un faible mot. Celui-ci a explosé en trois morceaux.



Le choc a également endommagé l’axe de serrage de la roue sur lequel il était accroché ! J’ai parcouru à peine 150 kilomètres sur la Carretera Austral que j’ai déjà des ennuis ! Ca commence bien ! Mais je ne veux pas retourner à Puerto Montt pour si peu. Je trouverai bien une solution en route. En attendant, avec la nuit qui commence à tomber, je n’ai pas d’autre choix que de pousser. Je pousse ainsi pendant près de dix kilomètres à la lueur de ma frontale. Mais je ne suis pas seul car les brésiliens n’arrivent quasiment pas avancer avec leurs fixies dans cette grosse caillasse et poussent également la plus grande partie du temps.


Nous arrivons tous trois au bivouac, bien entamés, à près de 23 heures. J’y retrouve un couple allemand avec qui j’avais célébré la nouvelle année au bord du Lac Tinquilco. En montant ma tente, j’aperçois aussi trois autres vélos mais leurs propriétaires dorment déjà. Je fais leur connaissance le lendemain. Il s’agit de deux colombiens et d’un canadien quinquagénaires voyageant ensemble sur la Carretera Austral. Moi qui ai croisé relativement peu de cyclotouristes sur la route depuis le début de mon voyage, cela fait bizarre d’en voir autant d’un coup, qui plus est avec des vélos tout propres, des sacoches toute neuves, … car tous ont commencé leur voyage à Puerto Montt.

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