vendredi 30 septembre 2011

Un appétit d’ogre !

De retour à Puerto Maldonado, nous nous payons un bon et copieux dîner au restaurant car nous n’avons pas assez mangé durant notre séjour dans la jungle. En effet, même les jours où l’on ne pédale pas, notre corps réclame ses 5.000 calories quotidiennes. Nous avons aussi besoin de prendre des forces car nous avons prévus de faire de grosses étapes dans les prochains jours. Notre grand appétit se manifeste aussi sur le vélo car nous sommes désormais tous deux pressés de gagner le Sud.
Nous quittons donc Puerto Maldonado au petit matin et reprenons la même route qu’à l’aller.  Aidés par une température clémente, nous avalons les kilomètres. A 10 heures du matin, nous avons ainsi déjà parcourus 80 kilomètres. Mais progressivement, la chaleur devient insupportable et à 11 heures le thermomètre affiche ainsi 35 degrés. La seule manière d’échapper à cette fournaise est de maintenir une vitesse supérieure à 20 km/h, où l’air que l’on produit nous rafraîchit quelque peu. Il fait tellement chaud que je ne peux rien manger mais en revanche, je bois près d’un litre par heure.  En fin d’après-midi, nous atteignons la partie vallonnée de la route et progressons nettement moins vite. Heureusement, de nombreuses sections sont à l’ombre. Au crépuscule, après avoir parcourus près de 180 kilomètres, nous nous arrêtons dans un restaurant repéré à l’aller, et dont les propriétaires, charmants, nous offrent leur terrain pour un repos bien mérité.
Le lendemain nous reprenons la route encore plutôt que la veille pour profiter au maximum des heures les moins chaudes de la journée. Après une quinzaine de kilomètres, nous atteignons le croisement des routes de Cusco et de Puno et quittons donc la route empruntée à l’aller pour prendre la direction du Lac Titicaca. A partir d’ici la route s’élève et cela risque de durer un moment puisque nous sommes à ce moment là à 500 mètres d’altitude et que le lac se situe lui à plus de 3.800 mètres.
Très vite, je souffre de la chaleur, encore plus étouffante que la veille, d’autant plus que nous progressons à moins de 8 kilomètres/heures en montée. De plus, ces efforts  ne servent à rien puisque après chaque côte, nous reperdons  immédiatement le dénivelé chèrement gagné dans une descente bien trop rapide pour récupérer.
Après plus de cinq heures de dur labeur, nous atteignons un village dans lequel nous nous payons un menú del dia pour quatre soles.  Le menu typique au Pérou, comme en Equateur, est composé d’une soupe (souvent un bouillon de poule) et  d’une assiette de poulet accompagné de riz, de bananes et de frites. Pendant que nous dégustons ce déjeuner de gourmet, un orage éclate pour notre plus grand bonheur, rafraîchissant l’atmosphère. Une fois l’orage passé, nous reprenons la route et commençons cette fois véritablement l’ascension. La région est sauvage et nous n’aperçevons sur le bord de la route que quelques maisons délabrées. En fin d’après midi, alors que nous sommes en quête d’un lieu pour passer la nuit, nous entrons dans hameau doté d’une école. L’instituteur accepte sans hésiter de nous héberger et nous offre sa sale de classe comme dortoir.


Une aubaine car de nombreuses personnes, dont la police, nous ont fortement conseillé de ne pas camper dans toute la région L’instituteur nous confirme que nous ne sommes pas au bout de nos peines, avec encore environ 2.500 mètres de dénivelé positif à grimper.
Effectivement le lendemain la pente s’accentue dès les premiers kilomètres. Pour ajouter un peu de piment, la route n’est plas asphaltée dans les sections les plus raides (supérieures à 10 %), faisant chuter Christoph, heureusement sans gravité. Peu de temps après, nous traversons un village dans lequel nous subissons une énième attaque de chiens. Mais cette fois-ci, un chien prend notre défense, repoussant violemment ses congénères. Visiblement amoureux de ¡Caramba! et de Schlitten - luge en allemand, nom donné par Christophe à son vélo - le chien  décide ensuite de poursuivre sa route avec nous, repoussant à plusieurs reprises des assaults de chiens et ce pour notre plus grand bonheur.

Après plus de cinq heures d’ascension et 35 kilomètres parcourus, nou atteignons Ollachéa où nous décidons de prendre une chambre dans un hospedaje, malgré l’heure peu avancée. Car on nous confirme qu’il n’y a rien pour dormir avant plus de 50 kilomètres et qu’il serait dangereux de planter la tente en bord de route. La région est en effet actuellement marquée par de très fortes tensions entre les paysans et les mineurs. A en croire la population, ces derniers se comportent comme des cow-boys. N’ayant souvent aucune éducation, les mineurs gagnent en effet énormément d’argent (jusqu’à 50.000 euros par an, colossal dans un pays où le salaire minimum est de 200 euros mensuels) et se croient ainsi tout permis. Un habitant nous confie même qu’il serait capable de tuer un mineur si la situation dégénérait…
Nous déambulons ensuite dans les rues d’Ollachéa, en compagnie du chien qui semble ne plus vouloir nous quitter! Après lui avoir donné à manger, la personne de l’hospedaje nous propose de le garder avec elle. Mais le lendemain matin, le chien semble bien décidé à poursuivre sa route avec nous. Son nouveau maître l’enferme donc le temps que nous quittions la ville, pour attaquer notre troisième journée d’ascension.
Dès les premiers tours de pédales, les sensations ne sont pas bonnes. Le passage brutal de la jungle à la Cordillère se fait sentir. Nous avons en effet avalé près de 3.000 mètres de dénivelé en deux jours, avec  qui plus est deux climats très différents et pour la première fois depuis le début du voyage, je ressens les effets de l’altitude (essoufflement, nausée, mal de crâne). Heureusement, nous évoluons dans des paysages somptueux qui font quelque peu passés la douleur.



Christoph, de son côté, n’est pas non plus très bien et c’est épuisé que nous arrivons à Macusani dans une certaine ferveur.



En pénétrant dans cette ville de plusieurs milliers d’habitants, on se demande quelle raison a pu pousser des hommes à construire une ville à plus de 4.300 mètres d’altitude au milieu de nulle part et alors qu’il n’y a rien ici (pas de mine, pas de champ cultivable). On nous apprend finalement que cette ville, sans aucun charme et dans laquelle règne un froid glacial, a été (auto-)proclamée capitale mondiale de l’Alpaga.
Nous décidons de nous arrêter dans un hôtel pour nous reposer car on nous annonce encore 500 mètres de dénivelé avant de franchir le col nous ouvrant les portes du Titicaca.  Nous reprenons la route le lendemain dans une épaisse brume que le soleil perce peu à peu, conférant une ambiance magique.




Au bout d’une heure, le brouillard se disperse, dévoilant une vue majestueuse sur toute la vallée, dominée par le Mont Alincápac (5.745 m).



Mais ce paysage se paie au prix fort : mon ventre me fait énormément souffrir, j’ai l’impression que ma tête va exploser et je suis tellemet essouflé que je suis obligé de faire une pause tous les cent mètres. Finalement après deux heures de souffrance,  nous atteigons dans une joie extrême le sommet de l’Abra Oquepuño, à 4.873 mètres d’altitude, concluant quatre jours d’ascension (4.300 mètres de dénivelé positif). Nous savourons cet instant avant d’attaquer la longue descente en pente douce devant nous mener sur les rives du Lac Titicaca, mille mètres plus bas.

dimanche 25 septembre 2011

La chasse au caïman !

Posés à une terrasse de restaurant donnant sur – la tranquille – Plaza de Armas de Puerto Maldonado, nous dégustons un délicieux jus de copahuasu, un fruit de la même famille que la fève de cacao. Puis nous organisons notre séjour dans la jungle. Christoph, qui a voyagé en sac à dos en Amérique du Sud il y a trois ans, est déjà venu ici et connaît un guide dont il a gardé un bon souvenir. Nous le retrouvons et coup de chance, il nous propose un départ pour le lendemain. Comme son tour partirait quand même sans nous, nous négocions un bon prix. Nous le faisons encore baisser en proposant de dormir sous tente plutôt qu'en lodge. Le séjour de cinq jours nous revient ainsi à 220 dollars chacun, contre 700 normalement.

Nous laissons nos montures à notre backpacker et embarquons donc dès le lendemain dans une pirogue à moteur avec deux autres touristes, Stewart et Heather - quinquagénaires canadiens forts sympathiques -, un guide, un aspirant-guide et deux motoristes. Nous commençons par descendre pendant plus de quatre heures le Madre de Dios, un des principaux affluents de l'Amazone.


Le fleuve est d'une largeur impressionnante et donne une idée de la taille gigantesque de l'Amazone, qu'il rejoint à Manaus.

Dès les premiers miles, nous rencontrons de nombreuses plateformes artisanales de chercheurs d'or, qui semblent avoir envahi le fleuve, avec toutes les conséquences néfastes que l'on connaît, notamment du fait de l'utilisation massive de mercure.
Nous remontons ensuite le Rio Heath, un affluent du Madre de Dios marquant la frontière entre la Bolivie et le Pérou. Si nous ne passons pas officiellement la frontière, nos passeports sont tout de même contrôlés par l'armée bolivienne. Le Rio Heath est sauvage et le niveau d'eau est assez bas en cette fin d'hiver rendant la navigation difficile. Régulièrement, les motoristes doivent descendre du bateau pour pousser la pirogue, bloquée par de nombreux bancs de sable.


Nous proposons de les aider mais le guide nous le déconseille fortement, nous expliquant que le fleuve est habité par des stingrays et des anguilles électriques, deux espèces pouvant être mortelles pour l'homme.
Plus nous progressons, plus nous rencontrons de difficultés. Le crépuscule approchant et la pirogue n'étant pas équipée pour naviguer de nuit, le guide décide de nous faire camper sur une plage, au bord du fleuve. Pour Stewart et Heather qui devaient dormir dans un lodge, c'est un peu la douche froide. Christoph et moi sommes au contraire ravis de cette expérience, malgré la présence de très nombreux moustiques qui, de plus, peuvent représenter une menace sous ces latitudes.

Nous reprenons la pirogue à l'aube, nous permettant de profiter d'un fabuleux lever de soleil accompagné par d’innombrables et incroyables cris d'animaux. Après trois heures de navigation, nous arrivons à une cabane flottante servant de poste d'observation ornithologique. Je m'installe sur un tabouret et fixe la paroi rocheuse en face de moi.


Pour l'instant, il ne se passe absolument rien, mais on me promet un grand spectacle. Celui-ci ne tarde en effet pas à arriver. Progressivement, des dizaines de perroquets dont les sublimes - et gigantesques, jusqu'à 80 centimètres de hauteur – perroquets Macaw, au plumage bleu et rouge, viennent s'accrocher sur cette paroi, appelée Collpa. Ce qu'ils viennent chercher ici est assez surprenant de prime abord. En effet, en les observant aux jumelles, je constate qu'ils mangent la roche ! Celle-ci contient du sel et de nombreux minéraux, essentiels à la digestion de ces oiseaux dont le régime alimentaire est principalement composé de fruits dont l'acidité attaque leur estomac. Le spectacle est fascinant et se termine brutalement par un magnifique envol groupé afin d'échapper à la menace d'un aigle.




Nous nous enfonçons ensuite dans la forêt amazonienne pour une marche, dont chaque minute est pour moi un émerveillement. On sent ici toute la force et la diversité de la nature. L'extraordinaire variété de sons, d'odeurs et de couleurs met tous mes sens en éveils.


Il m'est ainsi donner d'admirer plusieurs espèces de singes ...



... des dizaines d'insectes, parfois énormes et que je n'ai jamais vu jusqu'à présent, et des arbres incroyables soit par leur taille ...

...soit par leur forme comme cet arbre dont le tronc se divise en plusieurs parties à l'approche du sol, afin de pouvoir se mouvoir pour mieux capter la lumière du soleil !


Après plusieurs kilomètres de marche, nous débouchons sur une plaine immense car la forêt amazonienne est aussi naturellement – j'entends par là hors déforestation humaine - composée d'immenses étendues de pampas. Une cabane construite dans l'un des seuls arbres de cette pampa nous permet d'admirer le vol des perroquets regagnant leur nids, juste avant le coucher du soleil. Nous rentrons par le même chemin, avec un nouveau spectacle fascinant. La marche s'effectue en effet de nuit, nous donnant l'occasion de découvrir de nouveaux sons, les animaux diurnes ayant cédés la place aux espèces nocturnes. Marcher à la lueur de la frontale et des nombreuses lucioles est une expérience unique procurant une réelle excitation, excitation renforcée par le danger, même s'il est infime, que représente une telle entreprise.

Le lendemain, après une nouvelle journée fabuleuse passée dans la forêt et alors que nous dînons, Christophe, l'aspirant-guide et moi, sur la pirogue, nous apercevons dans l'obscurité, à quelques mètres du bateau, deux yeux oranges. Pas de doute, il s'agit d'un caïman ! Nous nous saisissons d'une lampe torche et découvrons non pas un mais toute une famille de caïmans blancs, le père, la mère et deux petits. Le caïman blanc vit dans les rivières et les fleuves et est moins dangereux que son homologue noir qui vit, lui, dans les lacs et les marécages. Le spécimen mâle que nous avons sous les yeux doit mesurer environ deux mètres, la femelle, 1m50 et les deux petits, une quarantaine de centimètres.


Dans un élan de folie, Christoph tente d’attraper un des petits mais sa tentative est vite avortée par la boue dans laquelle il se retrouve enfoncé jusqu'au genoux. Après un bon fou rire, il arrive à se dégager et à récupérer … ses tongues ! Car, oui, Christoph était parti à la chasse au caïman en tongues !

Nous passons les deux derniers jours au bord du Lago Sandoval, un magnifique lac situé à deux kilomètres de marche des bords du Madre de Dios, à une dizaine de kilomètres de Puerto Maldonado.



La faune et la flore sont, encore une fois, à couper le souffle. Et les conditions d'observations sont idéales puisqu'ici, point de bateau à moteur, mais de petites barques.


Sur le chemin du retour à Puerto Maldonado, nous admirons le tout nouveau pont enjambant le Madre de Dios, inauguré il y a peine deux semaines.


Représentant le dernier tronçon de la route Interocéanique, ce pont est une révolution pour les habitants des deux rives. S'il a mis une centaine de famille vivant de la traversée du fleuve au chômage, il devrait aussi offrir de nouvelles et nombreuses opportunités aux populations de cette région, jusqu'à présent très isolée. Les échanges avec le Brésil devraient en particulier se multiplier puisque la frontière n'est qu'à une centaine de kilomètres de là. En attendant, c'est l'attraction où chacun se doit de se faire prendre en photo par l'un des photographes officiels alors que les ouvriers - encore présents sur le site - passent les dernières couches de peintures.

Ce séjour dans la jungle, qui n'était pas prévu, a été fabuleux. Merci donc à vous pour ce superbe cadeau car c'est bien avec la cagnotte que vous m'avez offerte lors de ma soirée de départ que je me suis payé ce tour. J'en garderai un souvenir impérissable...

Des nouvelles fraîches !

Bonjour a tous !

J'ai rattrappé partiellement mon retard, qui n'est pas du a une consommation excessive de Piusco comme certains pensent le croire! Dans les régions que j'ai traversé, il n'y avait tout simplement pas Internet, ou alors avec un debit tellement lent que je n'ai pas pu pas me connecter. Et pour de nouvelles photos, il vous faudra  encore attendre un peu (probablement jusqu'a Arequipa) car il m'est impossible d'en ajouter pour le moment dans mon album Picasa.

Je constate cependant que c'est une bonne chose de prendre du retard car c'est le seul moment oú vous laissez des commentaires :)

Mais Etienne, tu peux rassurer les internautes, je ne vais pas passer en Bolivie sans vous le dire! En plus la Bolivie, ca n'est pas pour tout de suite car si vous lisez les nouveaux messages, vous allez voir que je voyage avec Christoph, un suisse en vélo couché. Et l'itinéraire qu'il m'a proposé est un peu différent de celui que j'avais prévu´initialement mais bien plus excitant. Aprés notre séjour en Amazonie, nous allons visiter la région nord du Lac Titicaca, puis  nous rendre a Arequipa et de lá, gagner le Chili par Tacna puis Arica avant de prendre plein Est pour entrer en Bolivie au niveau de Sajama et entreprendre ensemble la traversée du Salar d'Uyuni puis du désert du Lipez. Nous avons ainsi prévu de voyager ensemble jusqu'a San Pedro de Atacama, oú nous devrions arriver aux alentours du 10 novembre.

Dimitri

mardi 20 septembre 2011

En route vers la jungle !

Après une ultime photo de groupe avec les cyclistes présents dans l'hôtel, nous quittons Cusco sous les regards amusés et médusés des passants.


Il faut dire que nous ne passons pas inaperçu avec nos deux montures atypiques !

La semaine d'arrêt se ressent, les jambes sont lourdes. Heureusement, la route est plate jusqu'à Urcos, où nous bifurquons en direction de Puerto Maldonado. La traversée du village est mouvementée puisque nous devons repousser de nombreux et violents assauts de chiens. Christoph distribue à volonté des coups de bâtons pendant que je distille avec précision des jets de pierre dans le flanc de ces sales bêtes. J'aurais aimé filmer cette scène d'anthologie. On en rigole après-coup mais le pire c'est que tout cela se passe sous les éclats de rires des maîtres, demeurant inertes au lieu de rappeler leurs chiens à l'ordre.

Cette montée d’adrénaline nous permet d'attaquer à vive allure l'ascension du col. Car pour gagner la jungle, il faut d’abord passer la Cordillère Orientale (la Cordillère des Andes est en réalité composée de trois chaînes de montagnes parallèles : les Cordillères Occidentale, Centrale et Orientale). Mais très vite, nous baissons le rythme car nous évoluons dans une pente à plus de 7,5 %. Au bout d'une quinzaine de kilomètres de dur labeur, nous franchissons le col à 4.200 mètres d'altitude avant de nous arrêter aux termes d'une descente d'une douzaine de kilomètres au village de Ccatcca où, pour quelques soles, nous négocions de dormir dans un garage.


Nous reprenons la route de bonne heure le lendemain car, après être redescendu à 3.400 mètres, un second col situé à 4.700 mètres nous attend. Dans cette région où beaucoup d'habitants ne parlent que Quechua, l’accueil n’est pas des plus chaleureux. En retour à nos ¡Hola!, nous recevons au mieux de l'indifférence, au pire, des insultes et même un jet de pierres depuis un talus, dix mètres au-dessus de la route, heureusement sans conséquence. Ce passage ne dure pas longtemps et rapidement, nous retrouvons de la chaleur dans les regards que nous croisons.
La montée est longue et nous n'en voyons pas la fin.


Arrivé à un hameau, situé sur un replat à 4.400 mètres, nous apercevons le sommet pris dans les nuages. Comme l'heure est déjà avancée, nous décidons de nous arrêter ici. Une famille nous offre très gentiment son toit – ainsi que de délicieuses pommes de terre - pour la nuit. Après les menaces reçues en début de journée, cette générosité nous réconcilie avec les Péruviens.




Au lever, nous découvrons un superbe paysage. Mais très vite, celui-ci disparaît dans le brouillard   qui fait son apparition.


Quelques minutes après, les premiers flocons de neige tombent. Nous effectuons la fin de l'ascension dans des conditions dantesques, annonçant une descente glaciale. Nous nous équipons chaudement mais malgré cela, nous sommes obligés de nous arrêter régulièrement car Christoph souffre énormément aux mains.


Heureusement, après mille mètres de dénivelés effacés, nous retrouvons des conditions plus clémentes et commençons à enlever des couches de vêtements. Nous répétons l'opération plusieurs fois car en deux heures, nous descendons de quatre mille mètres, passant ainsi du froid d’une tempête de neige  à la chaleur torride de la forêt amazonienne : extraordinaire !

Nous évoluons alors dans une jungle vallonnée où le spectacle de la nature est unique et permanent.




Euphoriques, nous avalons les kilomètres. La qualité de la route nous aide puisque depuis peu elle est asphaltée et se prolonge jusqu'à San Paolo, au Brésil, à 4.500 kilomètres de là, reliant ainsi désormais les deux océans : Atlantique et Pacifique. Si cette nouvelle route est une bonne chose pour les habitants, leur permettant de rompre leur isolement, nous ressentons aussi les effets néfastes. Aux abords la route, la nature est régulièrement défigurée par les chercheurs d'or, prêts à tout pour trouver le précieux métal, coupant les arbres, retournant la terre et déversant dans les rivières des quantités énormes de mercure...

Ce développement rapide et sauvage a donné naissance à de nombreux villages dont les maisons sont encore souvent de simples cabanes avec de simples bâches plastiques en guise de murs.
Nous parcourons ainsi près de 165 kilomètres avant de nous arrêter, au crépuscule dans un hospedaje exotique, sans électricité.

Le lendemain, nous partons de bonne heure afin de profiter de quelques heures « fraiches », s'il est possible d'utiliser cette expression dans la jungle ! Après trois heures de route vallonnée, nous pénétrons véritablement en Amazonie, et son immensité plate. Pour vous donner une idée, la pente du Madre de Dios, un des importants affluents de l'Amazone, n'est que de 1,5 centimètres par kilomètres jusqu'à l'Océan Atlantique. Nous progressons donc à bonne allure, 25 km/h, en roulant roues dans roues. Mais la chaleur humide use l'organisme et nous oblige à nous arrêter de bonne heure. Nous campons à l'arrière d'un restaurant. Nous ne sommes qu'à une trentaine de mètres de la route mais cela suffit pour être tout de même en pleine forêt. Sensation garantie, notamment avec la présence d'insectes énormes !

Nous prenons notre temps pour repartir car seuls 80 kilomètres nous séparent de Puerto Maldonado. Cinq minutes après le départ, nous rencontrons un couple de cyclotouristes espagnols, Cèsar et Judit (http://www.explorepangea.com/) en provenance du Brésil.



Les cyclistes sont visiblement rares sur cette route puisque nous sommes les premiers qu'ils rencontrent depuis plusieurs mois.
La chaleur est accablante et nous oblige à de fréquentes pauses. C'est avec soulagement que nous arrivons à Puerto Maldonado à l'heure du déjeuner, fatigués tant physiquement que mentalement par ces cinq cents kilomètres parcourus en cinq jours.


Car en plus de la chaleur, l’accueil de la population en Amazonie est épuisant mentalement, oppressant. A la moindre pause dans un village, nous nous retrouvons entourés de dizaines d’hommes autour de nous voulant tous toucher les vélos. Et une fois en route, ces derniers nous suivent en moto et nous posent inlassablement, chacun leur tour, les mêmes questions. L’excursion dans la jungle est donc la bienvenue pour se reposer.

jeudi 15 septembre 2011

Festival de cyclistes !

Après cette belle escapade au Machupicchu, je me lève tôt car je veux être à Cusco  - distante de cent kilomètres environ  - ce soir. Je prépare ¡Caramba! sous le regard émerveillé du fils des propriétaires de l'hospedaje où j'ai dormi  (sorte de chambre d'hôte à la péruvienne, c'est-à-dire avec un confort tout relatif!). Avant de partir, je déguste un bon un maté de coca gentiment offert par la maison pour me donner les forces nécessaires pour rallier Cusco.
La route est presque plate et j'arrive rapidement à Pisac, charmant village inca. Je décide de faire un détour pour visiter les ruines et les terrasses agricoles de ce site Inca. Le détour est un peu plus long que prévu car avant de pourvoir admirer les admirer, je dois grimper une pente de dix kilomètres à 4,5 % de moyenne. Mais cela en vaut la peine car le site est magnifique et très différent du Machupicchu.





Je reprends la route, et alors que j'ai déjà quatre-vingt kilomètres dans les pattes, j'entame  l'ascension me menant à Cusco : vingt kilomètres à 5 % qui font mal, très mal. Je souffre et ça doit se voir puisqu'une voiture s'arrête et m'offre de l'eau et cinq pains de Pisac. J'arrive au sommet au coucher du soleil et effectue donc les quinze kilomètres de descente dans la nuit. Après 115 kilomètres, je m'arrête devant l'entrée d'Estrella, l'hôtel recommandé par les cyclistes croisés sur la route près de Limatambo quelques jours auparavant.

J'entre dans la cour de l'hôtel sous les applaudissements des autres pensionnaires, uniquement des cyclo-voyageurs. Je pense que je vais me plaire ici ! Nous passons la soirée à échanger des anecdotes de voyage toutes plus croustillantes que les autres. Nous échangeons également de précieuses informations entre ceux voyageant vers Ushuaia et ceux remontant vers le Nord.
Dans la soirée arrive Christoph, le suisse-allemand voyageant en vélo couché qui me précédait de quelques heures sur la route entre Abancay et Cusco (www.icetofire.ch). Il revient du Machupicchu, qu'il a visité avec deux autres cyclistes, Mat, un Canadien et Mat, un américain. Tous trois voyagent depuis l'Alaska depuis presque seize mois et se rendent à Ushuaia. A côté d'eux, mon voyage fait pâle figure car ils ont vécu de sacrées aventures, notamment au Mexique et en Amérique Centrale. J'ai le plaisir de partager ma chambre avec ces trois gais lurons et je fais d'autres belles rencontres, Delphine et Ezechiel entre autres, un couple de français voyageant depuis le Sud. (www.cycloandes.com). Ces futurs ex-parisiens me donnent de précieux  conseils pour l'Argentine et un itinéraire très détaillé du Lipez, avec tous les points GPS.

Du coup, moi qui ne pensais rester que deux jours ici, je décide de prolonger mon séjour. Il est vraiment agréable de rencontrer d'autres voyageurs partageant la même passion. Car, sans exclure les autres touristes, il y a forcément un décalage de mentalités avec les touristes « normaux ». La différence provient également de l'âge car la plupart des voyageurs en sac en dos ont autour de la vingtaine quand les cyclo-voyageurs de moins de trente ans sont rares.



Je profite de ma pause pour me reposer mais aussi pour visiter la ville.


En la découvrant, je suis quelque peu déçu. Certes, Cusco est belle mais le tourisme y a pris beaucoup trop de place. Dans la veille ville, il est ainsi impossible de faire vingt mètres sans se faire approcher par un rabatteur vous tendant un menu de restaurant, vous proposant un massage, des bracelets voire même de la drogue.



Heureusement, je visite la ville avec mes compagnons de chambre et chaque escapade donne lieu à de franches rigolades.





Autour d'un délicieux jus de lucuma, Christoph m'expose son itinéraire des prochaines semaines et me propose de le faire avec lui.


J'accepte sans beaucoup d'hésitation car Christoph est vraiment sympathique  et le programme est alléchant : avant d'aller à Arequipa, il a en effet prévu de se rendre à Puerto Maldonado, une ville située à l'est de Cusco, dans la jungle et de là de faire une expédition de cinq jours dans la forêt amazonienne avant de rejoindre le lac Titicaca par le nord, une partie plus sauvage et beaucoup moins touristique que la partie située aux abords de Puno.

Après une superbe semaine passé dans cet hôtel, je reprends donc le cours de mon non plus en solo, mais accompagné de Christophe et de son Challenge Seiran, un vélo couché plus haut et avec seulement deux roues. Nous avons prévu d'arriver à Puerto Maldonado dans quatre jours, puis de consacrer cinq autres jours à une excursion en Amazonie.

jeudi 8 septembre 2011

Magique Machupicchu

Après la longue journée de vélo de la veille, je me réveille affamé. Je me rends donc à la toute proche Plaza de Armas pour un petit déjeuner en terrasse, au soleil. Le village est encore calme car la plupart des touristes – pauvres d'eux-mêmes – ne font que transiter par ici pour gagner le MachuPicchu ou rejoindre Cusco. Situé aux confins de deux vallées, Ollantaytambo est un magnifique village où l'on retrouve la conception géométrique typique de la culture Inca. Le village est composé de blocs rectangulaires, chacun comptant quatre habitations de deux étages ouvertes sur un patio central. La circulation s'effectue par d'étroites ruelles pavées comportant un petit canal captant l'eau de la rivière proche, qui assurait ainsi l'alimentation en eau des habitations.



Je consacre  ensuite ma journée à la visite les ruines, situées de part et d'autre du village, sur les flancs de deux collines.  
D'un côté, se trouve un superbe ensemble de terrasses agricoles menant à un temple où se tenaient de grandes célébrations religieuses.



De l'autre, une forteresse militaire, sous la protection d'un bloc de roche naturel qui, pour les Incas, représentait un de leurs ancêtres (si vous regardez attentivement la photo, vous verrez effectivement la forme d'un visage dans la montagne).



En fin d'après-midi, en flânant dans les ruelles  du village, je tombe complètement par hasard sur … Shinji, le cycliste japonais rencontré près de Yungay, dans la Cordillère Blanche ! Il est avec deux compatriotes rencontrés quelques jours auparavant dans un hôtel à Cusco. Ne voulant pas payer le train pour aller au MachuPicchu, ils cherchent un véhicule pour les mener à un premier village d'où ils pourront gagner Aguas Calientes, porte d'entrée du sanctuaire, en longeant la voie ferrée pendant une trentaine de kilomètres.
De mon côté, je me suis résigné à payer le train, même si le coût est prohibitif pour les étrangers (260 soles aller-retour alors que les touristes nationaux ne paient que 20 soles!). Mais nous serons au Machupicchu en même temps. Rendez-vous est donc pris pour le lendemain, à la Plaza de Armas d'Aguas Calientes.

Le lendemain en début de matinée j'embarque donc dans le train me menant au Machupicchu, après avoir laissé ¡Caramba! et l'essentiel de mes affaires à l'hôtel. J'entame la discussion avec mon voisin, un chilien. Dario, un ami péruvien marié à une chilienne et vivant au Chili m'avait prévenu : les chiliens sont très difficiles à comprendre, car ils parlent très vite et « mangent » toute la fin des mots. Cela se confirme rapidement puisque je ne comprends presque pas un mot. Ça promet pour la suite !
Après environ deux heures de trajet, j'arrive à Aguas Calientes, un village sans aucun charme  entièrement tourné vers le tourisme de masse généré par le Machupicchu. C'est bien simple, le village ne compte que des hôtels, restaurants et cafés Internet. La seule raison qui m'a décidé à passer une nuit ici est de pouvoir être sur le site à l'ouverture des portes, à 6 heures du matin, avant l'arrivée des touristes voyageant pour la journée depuis Cusco. En attendant, je retrouve comme convenu en début de soirée Shinji et ses deux amis pour un dîner très sympathique.

La nuit est courte, avec un lever à 4h30. Une demi-heure plus tard, nous nous mettons en route avec Shinji pour le Machupicchu alors qu'il fait encore nuit. Ses deux amis ont eux opté pour le bus. Après dix minutes de marche sur la route, nous attaquons la longue montée en marche au milieu d'une forêt dense, dans une chaleur moite. Le Machupicchu se situe en effet à la lisière de la jungle de l'Amazonie, avec un climat chaud et extrêmement humide. La montée est donc difficile mais splendide. Au fur et à mesure de notre ascension et du lever du jour, nous découvrons un panorama grandiose.


Une légère brume renforce encore un peu plus la magie ambiante. Après quarante minutes de marche, nous arrivons, détrempés, sous les yeux quelque peu stupéfaits des touristes arrivés par bus, à l'entrée du site où nous retrouvons les deux amis de Shinji. Encore 100 mètres de marche, et tout à coup, sous nos yeux, s'étend l'incroyable Cité perdue des Incas, comme l'a surnommé son découvreur, Hiram Bingham, il y a tout juste cent ans.



Professeur d'université américain venu initialement en Amérique du Sud pour faire des recherches sur les campagnes militaires de Simon Bolivar, Hiram Bingham s'éprend, une fois sur place, de la culture Inca. Il décide alors d'explorer Cusco et la Vallée Sacrée.  Accompagné de son traducteur, Sergent Carrasco, il arrive ainsi le 24 juillet 1911 devant la Tombe Royale, le Temple Principal et le Temple des Trois Fenêtres.

Même en ayant vu des centaines de fois la photo du Machupicchu, considéré comme l'une Sept Merveilles du Monde moderne, la magie opère instantanément. La prouesse et l'ingéniosité architecturales des Incas combinées à la beauté naturelle du site rendent le lieu tout simplement unique.


C'est à regret que je quitte ce lieu splendide, en milieu d'après-midi, pour aller prendre le train me ramenant à Ollantaytambo.