jeudi 19 janvier 2012

¡Aïe ¡Caramba!!

Tous les cyclistes quittent le camp les uns après les autres alors que je m’occupe de ¡Caramba! Je réussi à redresser l’axe de serrage de roue, puis réduit la longueur de chaîne afin de pouvoir rouler avec une seule vitesse. Je me mets en route sans grand espoir, mais à ma plus grande surprise, ma réparation fonctionne … mas o menos comme on dit ici ! 




Malgré cela, la piste est tellement mauvaise que je dois régulièrement pousser le vélo. Je mets ainsi six heures pour parcourir une quarantaine de kilomètres et arrive dans un grand état de fatigue à Chaitén, où je retrouve les deux colombiens et le canadien à la terrasse d’un des seuls restaurants ouverts.



Le village de Chaitén est un village fantôme depuis l’éruption du volcan éponyme, le 2 mai 2008. Car l’éruption de ce volcan, pourtant considéré jusque là comme éteint, a été d’une incroyable violence. Le panache volcanique s’est élevé à plus de trente kilomètres d’altitude et les nuées ardentes dévalant les pentes du volcan ont détruit une grande partie du village de Chaitén. Heureusement, les 5.000 habitants avaient eu le temps d’être évacué et aucune victime n’a été à déplorer, même si beaucoup ont tout perdu dans cette éruption.

Malgré la fatigue, je prends le temps de parcourir les rues du village. La vision est apocalyptique : la cendre recouvre encore une bonne partie du village et la plupart des maisons sont abandonnées. La reconstruction ne fait que commencer et seule une petite partie des habitants est revenue car beaucoup ont été traumatisés. De plus, le volcan crache toujours d’importants panaches de fumées.




Le lendemain je me mets en route en espérant que ma réparation tiendra le coup... Les premiers kilomètres se passent bien puisque la route est plate et asphaltée. Ne disposant plus que d’une seule vitesse, j’avance doucement, prenant ainsi le temps d’admirer le paysage...





... quand tout à coup … je perds le contrôle de ¡Caramba!. J’arrive à m’arrêter rapidement sur le bas côté sans comprendre ce qu’il vient de se passer. Et puis je constate les dégâts : mon cadre vient de se briser, plus exactement le bras avant droit !!!



Dans l’action ma main droite a été blessée mais la blessure est superficielle, j’ai seulement la peau arrachée sur quelques centimètres. Heureusement que je n'allais pas vite, sinon les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves.
Complètement assommé, j’erre autour de ¡Caramba! pendant plusieurs minutes avant de tenter de reprendre mes esprits. Je désinfecte tout d’abord ma main puis examine en détail le vélo. L’affaire est vraiment mal engagée puisque non seulement le cadre s’est brisé net mais en plus une pièce de direction en plastique a également été arrachée.
Cette fois je pense qu’on ne peut plus rien faire, c’est fini…
Comme un symbole, mon voyage se termine là où la vie s’est arrêtée il y a près de quatre ans.

Je démonte alors ¡Caramba!. Je n’ai plus qu’a faire du stop jusqu’à Chaitén d’où je pourrai regagner Puerto Montt en bus. De là, je compte  renvoyer ¡Caramba! en France et poursuivre mon voyage en  bus et sac à dos.

C’est alors qu’arrivent Joost et Michiel, les deux hollandais aux vélos de bambou. Ils ont débarqués à Chaitén ce matin, en provenance de l’île de Chiloé, et voyagent avec un de leurs amis qui les accompagne pour quelques semaines. Ils essaient de me remonter le moral en m’indiquant que leur ami a acheter son vélo à Puerto Montt pour quelques dizaines d’euros et que je pourrai faire de même. Mais je ne suis plus dans l’esprit…
Je leur souhaite bonne route et les regarde s’éloigner, un peu mélancolique, un peu envieux aussi.



Arrive ensuite un cycliste espagnol. Il s’arrête et me propose de m’aider. Je le remercie mais lui indique qu’il n’y a plus rien à faire. Il me quitte alors en me disant qu’il va signaler aux automobilistes qu’il croisera que j’ai besoin d’aide.
Quelques minutes plus tard, une voiture s’arrête en me demandant si je suis le malheureux cycliste qui vient de briser son vélo. J’acquiesce du regard et l’automobiliste me propose alors de me ramener à Chaitén. La voiture n’est pas grande et ma main droite me fait souffrir mais j’arrive tout de même à tout charger dans le coffre.
Mon sauveur s’appelle Paola, une jeune femme vivant à Puerto Varas en déplacement dans la région pour le travail. Et pas n’importe quel travail. Paola est en effet géographe pour l’ONG Patagonia ¡Sin Represas! qui se bat contre un projet effroyable : la construction d’un barrage de 80 mètres de hauteur dans le sud de la Patagonie et l’édification d’une ligne à haute tension pour acheminer l’électricité produite par ce barrage à Santiago, près de 2.000 kilomètres plus au nord ! Il va sans dire qu’en plus de défigurer la Patagonie, l’édification de ce barrage aurait des conséquences écologiques mais aussi économiques – en tuant une partie du tourisme - dramatiques pour la région. Je la quitte en la remerciant chaleureusement de son aide et lui souhaite de mener à bien sa mission pour qu’une telle horreur ne se produise jamais !


Je reste alors plusieurs heures sur un banc de Chaitén, à me lamenter sur mon sort tout en contemplant l’Océan. Peu à peu, le voile nuageux se lève, laissant place à un magnifique ciel bleu et à un soleil étincelant. J’y vois un signe et me ressaisis. Je n’ai n’as pas parcouru tous ces kilomètres et surmonté tous ces ennuis pour terminer le voyage de cette façon ! Ou comme dirait Emeric, « je ne suis pas venu ici déguisé en feuille de coca pour me faire bouffer le cul par des lamas » (version sud-américaine de la feuille de chou et du lapin, les initiés apprécieront !).
Surtout, je me rappelle que la partie du cadre s’étant brisée est en acier - c'est d'ailleurs une des raisons m'ayant fait choisir ce modèle - et qu’il devrait donc être possible de la ressouder. Reste le problème de la pièce de direction, spécifique à mon trike et donc introuvable ici. Mais c’était la même chose pour l’axe de ma roue gauche et on a bien trouvé une solution. Donc l’espoir est permis. Mais comme aujourd’hui nous sommes dimanche, je dois patienter jusqu'à demain.

En fin de journée, je tombe dans une rue de Chaitén sur Siska, la cycliste belge. Elle m’indique que l’ami de Joost et Michiel termine son voyage à Coyhaique, à 400 km au Sud et entend laisser son vélo là-bas. Si je n’arrive pas à réparer ¡Caramba!, cela pourrait donc être une solution.

Le lendemain, je rejoins la Carretera Austral en portant ¡Caramba! dans l’idée d’y faire du stop. On m’a indiqué qu’une droguerie / garage / atelier de vélo se trouvait à une dizaine de kilomètres de Chaitén. Je patiente pendant plus de deux heures au bord de la route et renonce finalement, estimant que je perds mon temps. Les réparations à effectuer sont effet énormes et j’aurais plus de chance de trouver une solution à Puerto Montt. Mais le prochain bus n’est que le lendemain en fin de matinée. En attendant, je suis donc bloqué pour le reste de la journée dans ce village mort où il n’y a rien à faire. Une vraie prison à ciel ouvert.

Le lendemain à 11h30 enfin, je monte dans le bus en direction de Puerto Montt. Celui-ci va reprendre exactement la route que j’ai empruntée quelques jours auparavant, avec une arrivée prévue à 20 heures. Mais les choses ne se passent du tout comme prévu. A cause d’un problème de ferry, nous restons bloqués plus de huit heures sur la portion de dix kilomètres, au milieu de nulle part ! Nous arrivons finalement à Puerto Montt à 5 heures du matin. Le bus me dépose devant la gare routière – pas encore ouverte – et je me retrouve alors seul, de nuit, dans le quartier le plus mal famé de la ville. Heureusement, j’aperçois au loin une fourgonnette de carabiniers montant la garde. Je reste ainsi plusieurs heures jusqu’à ce que la ville se réveille puis cherche un taxi pour rejoindre l’hospedaje familial dans lequel j’avais séjourné il y a une petite semaine. Mais aucun taxi n’accepte de me prende. Comme l’hôtel ne se situe pas à plus de dix minutes de marche, je me résous à accrocher ¡Caramba! à un poteau et à faire le trajet en deux fois : l’un avec les sacoches, l’autre avec le vélo.

Puis je rends visite à Luis - ou plutôt Docteur Luis comme on l'appelle ici ! -, le technicien à qui j’avais confié ¡Caramba! la dernière fois. Il me dit qu’il peut faire quelque chose. Il téléphone tout d’abord à son frère qui, coup de chance énorme, est soudeur. Celui-ci peut souder le vélo dans la journée. Puis il s’occupe de la pièce de direction. Il m’emmène en voiture dans un magasin de pièces détachées de voiture, cette pièce ressemblant à une pièce utilisée dans le bras d’ouverture des coffres. Mais chou blanc, nous ne trouvons pas la pièce. Nous nous rendons alors dans un garage travaillant la résine. Et là nous trouvons quelqu’un pour réparer cette pièce. Je quitte alors Luis optimiste et lui donne rendez-vous le lendemain pour récupérer ¡Caramba! En entrant le lendemain dans son atelier, j’ai la joie de découvrir ¡Caramba! remis sur patte ! Le frère de Luis ne s’est pas contenté de souder. Il a également insérer un renfort métallique à l’intérieur du tube - complètement oxydé -, pour une meilleure résistance.
Luis installe ensuite la pièce de direction ainsi qu’un nouveau dérailleur et me règle tout le vélo.



Je regagne l’hôtel dans un état d’euphorie. Celle-ci est un peu plombée quelques minutes plus tard car en arrivant dans le jardin je découvre qu’un des arceaux métalliques de ma tente s’est brisé.



J’ai vraiment la chcoumoune, d’autant plus que ça n’est pas tout. En me couchant, je découvre que mon matelas a crevé … Rien ne m’aura été épargné durant ce voyage ! Rien !

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