lundi 27 février 2012

Adieu à la Patagonie ...

C'est sous un grand soleil que nous quittons Puerto Natales, après avoir vivement remercié Daniel pour son accueil. Nous partons confiant et serein puisque les 250 kilomètres jusqu'à Punta Arenas sont quasiment plats et s'effectuent vent dans le dos. Un vent soufflant parfois tellement fort qu'un ami cycliste a pu les parcourir en un seul jour.
Mais le vent patagon semble décider à m'en faire baver jusqu'au bout. Dès la sortie de la ville, nous devons affronter un vent défavorable et la journée est donc loin de la journée tranquille que j'avais imaginé. Nous parcourons moins de kilomètres que prévus et nous retrouvons pris au dépourvu au moment du coucher de soleil. De part et d'autre de la route en effet, une barrière sans fin interdit l'accès aux prairies des estancias. Nous arrivons finalement à trouver un endroit un peu à l'écart de la route. Mais le vent souffle trop pour monter la tente. Nous passons donc une nouvelle nuit à la belle étoile malgré des températures polaires. Car ce vent défavorable inhabituel vient directement de l'Antarctique.

 

Le lendemain, la situation se dégrade avec une pluie fine rafraîchissant encore un peu plus l'atmosphère. Comme chaque matin, je pars avant Romain pour prendre un peu d'avance, Romain étant plus rapide que moi. Au bout d'une heure, il me rejoint, non pas sur son vélo mais dans une camionnette. Il a cassé sa roue et ne peut donc plus rouler. Il me laisse quelques vivres et nous nous donnons rendez-vous le soir même sur la place centrale de Punta Arenas. Je passe une journée difficile, évoluant sur une route monotone, le vent de face, dans un froid polaire et avec un trafic de plus en plus important au fur et à mesure que je m'approche de Punta Arenas. Mais je tiens mon rythme pour être à l'heure au rendez-vous … jusqu'à 20 kilomètres de la ville où je casse une partie de mon porte-bagages. Je répare et me remets en route mais pas pour longtemps puisqu'à l'entrée de la ville, je crève ! Je change de chambre à air et arrive sur le lieu du rendez-vous de nuit, sous une pluie battante et surtout avec 1h30 de retard ! Logiquement Romain n'est plus là. Epuisé, je m'offre un hôtel et dort dans un lit pour la première fois depuis près de trois semaines.

Ville la plus au Sud du continent sud-américain, Punta Arenas est ma dernière étape en Patagonie. De là, j'ai en effet prévu de prendre un ferry pour traverser le détroit de Magellan et gagner la Grande Île de Terre de Feu. Mais après les deux jours difficiles que je viens de vivre, je ressens le besoin de m'accorder un jour de repos. Je découvre trop tard le message laissé par Romain m'indiquant qu'il avait trouvé une roue et qu'il prenait le bateau ce matin. Nous nous donnons donc rendez-vous à Ushuaïa pour célébrer la fin du voyage car je ne risque pas de revenir sur lui. D'autant plus que j'apprends que le prochain bateau pour la Terre de Feu n'est que dans deux jours.
Mauvaise nouvelle car je n'ai aucune envie de rester deux jours supplémentaire à Punta Arenas, où il n'y a pas grand chose à faire.

Je décide alors de repartir vers le Nord pour gagner Punta Delgada, principal point d'accès à la Terre de Feu. A cet endroit, le détroit de Magellan mesure moins de cinq kilomètres de large et un ferry effectue la traversée toutes les vingt minutes. Cela représente un détour de 170 kilomètres mais la route est plate et je bénéficie d'un vent favorable, me permettant de couvrir la distance en une journée. Au soleil couchant, j'embarque ainsi sur le ferry. Je vis mes derniers instants en Patagonie...


jeudi 23 février 2012

A moins de 700 kilomètres du but !

Bonjour à tous,

Après une très longue absence, je viens de mettre le blog à jour, du moins partiellement. J'ai ajouté cinq articles relatant mon périple de Chaiten, sur la Carretera Austral au Chili,à El Chalten, sur la Route 40 en Argentine. J'ai également ajouté les photos jusqu'à Puerto Natales.

Pour ceux qui pensaient que j'avais fait le plus dure et que j'entrais dans la partie "pépère" du voyage, vous allez voir qu'il n'en est rien. J'ai même connu au moment de mon anniversaire la semaine la plus éprouvante de mon voyage.

Je suis désormais à Puerto Natales que je vais quitter demain pour entamer la dernière ligne droite de mon voyage. Je suis en effet désormais à moins de 700 kilomètres d'Ushuaia, où je compte arriver dans 8 jours, avant de rentrer en France le 9 mars.

A très bientôt donc

Dimitri

Grandioses Torres del Paine !

A la frontière chilienne, deux options s'offrent à nous pour rejoindre Puerto Natales : soit directement par une route asphaltée de 60 kilomètres, soit par le Parc National des Torres del Paine en 180 kilomètres, dont 155 de piste. Sans beaucoup hésiter, je choisis cette dernière option car si cette route est plus dure, elle s'annonce superbe. Siska n'a pas la motivation, en revanche Romain m'accompagne.
Nous nous mettons donc en route tous les deux en direction du parc, réputé comme l'un des plus beaux d'Amérique du Sud, même s'il a été partiellement détruit par un incendie causé par la bêtise d'un touriste israélien. Ce dernier a voulu brûler son papier-toilette alors même que le parc est extrêmement sec en cette année de La Niňa - phénomène inverse à El Niňo survenant l'année d'après. Résultat, plusieurs dizaines d'hectares sont partis en fumée et le parc a été fermé au public une bonne partie de la saison touristique.
La précision de la nationalité du touriste pourrait sembler superflue, elle ne l'est pas. Cela ne va en effet pas arranger l'image des Israéliens, qui sont littéralement détestés en Amérique du Sud. Voyageant la plupart du temps en groupe juste après la fin de leur service militaire, ils viennent ici pour se lâcher. Ils ont la réputation d'être bruyants, irrespectueux, arrogants, et exigeants mais sans vouloir en payer le prix. Et malheureusement, je n'ai pu que constater que cela est vrai dans 90 % des cas. Ils son tellement haïs que certains hôteliers ont même affiché une pancarte à l'entrée précisant « Israéliens non admis dans cet hôtel » !

Nous ne sommes même pas entrés dans le Parc que nous évoluons déjà dans un environnement superbe. Nous roulons jusqu'au coucher du soleil et décidons de bivouaquer pour admirer le ciel étoilé.



Le lendemain après une quinzaine de kilomètres de vélo dans un environnement de plus en plus magique, nous arrivons à l'entrée du parc où nous laissons les vélos pour entamer une randonnée de deux jours devant nous mener au pied des montagnes Torres del Paine.



Nous bivouaquons au camp de base pour une courte nuit. Le lendemain en effet, nous commençons à marcher à 4h30 du matin afin d'arriver au pied des Torres pour le lever du soleil et profiter d'un spectacle grandiose.


En redescendant, nous croisons Siska, Laurie, Julien, Michiel et Joost qui ont loué une voiture pour visiter le parc. En milieu de journée, nous reprenons les vélos et continuons notre route dans le parc. Les paysages sont fabuleux mais le vent souffle de plus en plus en fort. Tellement fort que dans une forte pente, je n'arrive ni à pédaler ni même à pousser le vélo.




Alors que je suis bloqué, je vois revenir Romain qui a lui chuté à cause du vent. Nous décidons de trouver un endroit pour la nuit à l'abri du vent. Nous bivouaquons une nouvelle fois et avons la chance d'observer de très près des guanacos. Nous assistons même à un début d'affrontement entre deux bandes rivales. Avec l'incendie, les guanacos ont effet vu leur territoire se réduire de manière importante.
Nous roulons encore pendant deux jours dans cet environnement magique, même si nous pouvons désormais clairement voir les conséquences de l'incendie.


Nous arrivons à Puerto Natales en milieu de journée. Je contacte alors Daniel, un membre de CouchSurfing qui a accepté de nous héberger. Il m'informe qu'il est en déplacement dans une autre ville et qu'il ne rentrera que le lendemain mais que nous pouvons quand même nous rendre chez lui, un couchsurfer colombien étant resté dans sa maison. La maison est modeste - nous dormons par terre - mais nous offre un toit et une douche chaude. Nous restons deux jours, le temps de reprendre des forces pour entamer la dernière ligne droite du voyage. Moins de 700 kilomètres séparent en effet Puerto Natales d'Ushuaia...

vendredi 17 février 2012

Des compagnons de voyage bienvenus !

Ayant festoyé jusqu'au bout de la nuit, je ne suis pas très frais le lendemain matin au moment de reprendre la route. J'aurais pu rester un jour de plus pour me reposer mais Mauricio et Romain reprenant la route, je saisis cette opportunité de rouler en compagnie d'autres cyclistes.
Portés par un vent de dos, nous avançons à plus de 20 km/h presque sans donner un coup de pédale pendant 90 kilomètres le long du Lago Viedma avant de rejoindre la Route 40, où nous devons de nouveau lutter contre un vent de côté.






Le lendemain matin, nous tombons par hasard sur Siska - qui était notamment des cyclistes présents à Santiago pour Noël. Elle se rend tout comme nous à El Calafate. Nous reprenons donc la route désormais à quatre.


 Les 30 derniers kilomètres, nous devons lutter contre un terrible vent de face. Même en prenant des relais et « suçant les roues », nous ne dépassons pas les 10 km/h et arrivons à la tombée de la nuit à El Calafate.

Au camping, nous retrouvons Michiel et Joost, les deux hollandais aux vélos en bambou, et Laurie et Julien, le couple de belges en vélos couchés. Pour la première fois depuis bien longtemps, je m'accorde une vraie journée de repos où je ne fais … rien !
Le lendemain, nous nous rendons, avec Siska, au mondialement connu Glacier Perito Moreno, situé seulement à 80 kilomètres d'El Calafate. Et le glacier mérite en effet sa réputation. Il est splendide et surclasse largement les autres glaciers que j'ai déjà eu la chance de voir dans ma vie. Je vous laisse jugé par vous même !




 
Le seul revers de la médaille, c'est que le site est extrêmement touristique. Il est en effet très facile d'accès - cinquante mètres de marche depuis sa voiture. Néanmoins, si l'on prend la peine de marcher quelques centaines de mètres de plus, on peut encore profiter seul et en paix de ce spectacle grandiose.
N'ayant pas vraiment récupéré de mes péripéties sur la Route 40 et, surtout, n'ayant pas envie d'affronter de nouveau le mauvais ripio des routes argentines, je décide de prendre un bus d'El Calafate à Puerto Natales. Siska décide de m'accompagner. Sauf que tous les bus sont complets pour les trois prochains jours. J'y vois un signe du destin : il faut que je roule ! Et puis cette fois, je ne serai pas seul. C'est en effet avec mes trois compagnons de voyage, Siska, Romain et Mauricio que je reprends la route en direction de Puerto Natales, au Chili.

Le deuxième jour, nous ne sommes plus que trois. Le matin même, nous avons fait nos adieux à Mauricio qui termine son voyage ici. En effet, comme tout brésilien qui se respecte, il veut être rentré au Brésil pour le Carnaval ! Même si j'ai passé peu de temps avec lui, cela restera une des meilleures rencontres du voyage et j'espère pouvoir lui rendre visite à Florianopolis, peut être à l'occasion de l'Ironman Brésil qui a lieu dans cette ville...
Ce deuxième jour est difficile : pluie fine, froid et une piste est très mauvaise. En plus, la sangle de mes sacoches bananes se rompt. J'arrive tout de même à bricoler quelque chose qui devrait tenir jusqu'au bout.
Heureusement, dès le lendemain nous retrouvons l'asphalte et gagnons rapidement la frontière chilienne. Arrivé au poste, j'ai l'impression d'être une rock-star. Je suis littéralement assailli par une horde de touristes me mitraillant avec leurs appareils photos et me posant inlassablement les mêmes questions. La palme revient aux touristes français en voyages organisés. Car en plus de supporter toujours les mêmes blagues – du genre, « Ah, mais c'est facile votre parcours, ça ne fait que descendre ! » (éclats de rire, d'un rire bien gras) -, je dois en plus me taper le récit de leur voyage en bus, que vous pouvez imaginer passionnant !

Bref, au bout d'un moment, j'arrive tout de même à rejoindre Siska et Romain – à qui personne ne demande rien au passage - au guichet de l’immigration.
Me voici une nouvelle fois au Chili !

vendredi 10 février 2012

Ça décoiffe !

Epuisé par une semaine éprouvante, je me pose avec soulagement dans un café d'El Chalten où je commande une montagne de plats. Alors que je suis en train de me goinfrer, un jeune vient à ma rencontre. Mauricio est brésilien et voyage lui aussi en vélo. Il a tout comme moi vécu l'enfer de la Route 40 quelques jours auparavant et sait donc ce que je viens de vivre. Il m'explique qu'il campe dans le jardin d'un habitant d'El Chalten, Jesus, passionné de vélo, en compagnie d'autres cyclistes et m'invite à le suivre. L'idée de camper sous cette pluie ne m'enchante pas vraiment mais je me dis que rencontrer des gens me fera du bien. Et je ne suis pas déçu.
La casa de Jesus - une simple cabane de 15 mètres carrés construite exclusivement avec des matériaux de récupération, - est une véritable auberge espagnole. Se croisent ici cyclistes, backpackers, aspirants guides de montagne... Je suis accueilli chaleureusement et je sens que je vais me plaire ici, même si avec tout ce va et vient la casa de Jesus n'est pas vraiment l'idéal pour se reposer.

Le repos sera de toute façon pour plus tard puisque Mauricio me propose d'aller randonner avec lui quelques jours. Etant venu à El Chalten pour cela, j'accepte sa proposition avec plaisir. Le lendemain nous voilà donc partis pour une randonnée de quatre jours. La marche s'annonce difficile mais superbe, avec une vue imprenable sur le Mont Fitz Roy et le Campo de Hielo Sur - le plus grand champ de glace continental du monde. Se joignent à nous Benoît, une jeune backpacker français et Romain, un cycliste français voyageant avec Mauricio depuis deux mois. Après une première journée magnifique, nous nous attaquons à une des principales difficultés du parcours, le Paso del Viento – littéralement le col du vent. Le ton est donné, ça risque de souffler ! Et effectivement, à peine sortis du campement, nous devons affronter un fort vent avec des rafales à plus de 80 km/h. Plus nous avançons et plus le vent forcit. Nous marchons difficilement, obligés de nous arrêter lors des rafales les plus violentes pour rester debout ! De plus, le chemin n'est absolument pas balisé et nous commençons à avoir des doutes : sommes-nous réellement sur le bon chemin ? Nous progressons en effet la plupart du temps à quatre pattes, sur une paroi rendue en plus glissante par une fine pluie.


La randonnée vire au cauchemar quand, dans un passage compliqué, Romain glisse – heureusement sans se faire mal - et perd son sac qui dévale près de vingt mètres ! Jugeant qu'il devient trop dangereux de continuer, nous décidons de rebrousser chemin jusqu'au camp de base. Le vent est tellement violent que nous mettons plus d'une heure pour parcourir un kilomètre, les rafales les plus violentes nous plaquant carrément au sol !


Décidément, le vent de Patagonie, que ce soit à vélo ou à pied, ne veut pas me lâcher !
Après nous être remis de nos émotions au camp de base, nous nous mettons en route pour regagner El Chalten. Nous devons encore lutter contre ce vent d'une force incroyable pour traverser un plateau, puis rester vigilant une fois dans la forêt, plusieurs arbres bougeant dangereusement.
De retour à El Chalten, nous apprenons que les vents ont été enregistrés à près de 140 km/h, un des jours de vent les plus forts depuis plusieurs mois !

Le lendemain, le vent est complètement tombé et le soleil rayonne dans le ciel d'El Chalten. Frustré par cette randonnée avortée - même si la décision de rebrousser chemin était la bonne - je profite de ces conditions parfaites pour entreprendre en solo une marche menant en quelques heures au pied du sublime Fitz Roy. Une journée magnifique qui se prolonge tard, très tard, avec une fête jusqu'au bout de la nuit qui clôt de belle manière mes quatre jours à El Chalten.


mardi 7 février 2012

Un anniversaire mémorable !

En ce samedi 4 février, je fête mes 32 ans. Une journée mémorable où je me suis offert comme cadeau ... la journée la plus trash du voyage !
Retour en arrière, tout avait bien commencé, avec un bon petit déjeuner dégusté au soleil levant.


Mais cela n'allait pas durer... Dès les premiers hectomètres, je dois pousser ¡Caramba! régulièrement sur une piste sablonneuse composée d'une succession de montées et descentes très raides.


Arrivé sur un plateau, la piste s'aplanit et le sable laisse place à un champ de caillasse me donnant l'impression d'évoluer sur un pierrier ! Surtout, le vent se met à souffler de plus en plus fort. Certaines rafales sont si violentes qu'elles me stoppent net. Lorsque je fais une pause, ça n'est pas mieux : j'ai du mal à tenir debout et à deux reprises ¡Caramba! – qui pèse tout de même près de soixante kilos avec les bagages - se fait renverser.
Je suis obligé d'aller puiser très loin dans mes ressources mentales pour progresser sur cette ligne droite monotone. Je ferais bien du stop mais il n'y a quasiment personne sur cette route, moins de dix voitures par jour. Et les quelques vacanciers s'arrêtant spontanément pour me proposer de l'eau et de la nourriture n'ont pas la place de m'embarquer avec ¡Caramba!

Vers 16 heures, le vent gagne encore en intensité et j'avance à moins de cinq kilomètres par heure. Quelques minutes plus tard, une rafale de côté d'une violence incroyable me renverse et me fait carrément partir en tonneau ! Je me retrouve bloqué sous ¡Caramba!. J'arrive à me dégager mais à ce moment, mes lunettes tombent et se font emporter par le vent !
Avec la plus grande difficulté, j'arrive à remettre ¡Caramba! sur ses roues et à l'aligner dans l'axe du vent. Puis par chance, je retrouve mes lunettes quelques mètres plus loin, complètement rayées, … mais sans mes verres correcteurs (j'ai des lunettes de sport avec verres interchangeables, derrières lesquels viennent se clipser les verres correcteurs). Je me retrouve au milieu de la Route 40, c'est-à-dire au milieu de nulle part, sans pouvoir avancer et sans lunettes de vue, puisque mon autre pair a été volée à San Martin de Los Andes. Je vis un cauchemar, de loin la pire journée de mon voyage ! Après cinq minutes de recherche à quatre pattes, je retrouve miraculeusement mes verres correcteurs. Complètement sonné par ce qu'il vient de m'arriver, je me pose quelques minutes sur le bord de la route. Ayant repéré un gros rocher à quelques mètres de là me permettant de m'abriter du vent, je décide de m'arrêter pour plusieurs heures car cela devient trop dangereux de continuer vu mon état de lucidité.


J'espère pouvoir reprendre la route de nuit, moment où le vent est censé tomber. En attendant, je m'installe comme je peux et m'endort rapidement. Je me réveille en début de soirée et célèbre mon anniversaire avec un dîner de fête : une boite de thon, quelques galettes salées, une banane et deux carrés de chocolat !
Puis je me recouche et me réveille toutes les heures pour suivre l'évolution du vent. Mais celui-ci ne se calme pas. Je ne quitte ainsi mon rocher que le lendemain matin et reprend la route dans un état d'épuisement physique et surtout mental avancé. Le cauchemar continue et semble ne jamais s'arrêter. Je crois n'avoir jamais repoussé si loin mes limites. Je ne suis même plus dans le dépassement de soi, je suis en train de devenir fou ! Je me mets à divaguer, entamant un dialogue solitaire avec ¡ Caramba ! Si vous voulez avoir une idée de mon état à ce moment-là, je vous invite à allez voir les vidéos de Gérard d'Aboville lors de sa traversée à la rame de l'Océan Atlantique.
Mais je n'ai pas d'autres choix, il me faut avancer … Après une nouvelle journée de souffrance, j'arrive enfin à Tres Lagos, une petit village sans aucun charme mais synonyme de délivrance et de paradis pour moi. Je m'offre, avec un jour de retard, une confortable chambre d'hôtel et un bon repas, pour fêter mon anniversaire.

Bien reposé, je reprends la route en direction d'El Chalten – distant de 120 kilomètres - plein d'entrain puisqu'à partir de Tres Lagos la Route 40 est de nouveau une belle route asphaltée. Mais le sort semble vouloir s'acharner puisqu'après seulement trois kilomètres, je crève. Le ripio de la Route 40 a été terrible et mes pneus n'ont presque plus d'épaisseur. J'espère tout de même pouvoir atteindre El Chalten.
Après 35 kilomètres, j'arrive à l'intersection menant à ce village. El Chalten n'est en effet pas situé sur la Route 40, mais au fond d'une vallée. C'est par là que j'aurais dû arriver si j'avais pris la Carretera Austral jusqu'au bout. Cela représente un aller-retour de 180 kilomètres mais qui vaut la peine d'être entrepris. El Chalten est en effet situé au pied du fabuleuse chaîne de montagne dominée par le sublime Mont Fitz Roy (3.400 mètres d'altitude).



J'espère pouvoir arriver là-bas ce soir malgré le vent, car les 90 kilomètres menant à El Chalten s'effectuent avec vent de face...
Mais le miracle ne se produit pas. Comme tous les jours, le vent forcit dans l'après-midi, rendant ma progression très difficile. Une nouvelle rafale d'une rare violence me fait même de nouveau partir en tonneau. Dans la chute, mon genou s'écrase violemment sur le sol. La douleur est intense et pendant quinze minutes, je ne peux plus bouger la jambe. Le cauchemar, toujours et encore. Voilà une semaine que je suis en enfer. Une semaine de souffrance où les sources de plaisir et de satisfaction on été rares. La semaine plus éprouvante de mon voyage ...

Mais je ne veux pas m'arrêter là et repart tant bien que mal. Je pédale jusqu'au coucher du soleil et trouve un endroit à l'abri du vent. J’engloutis rapidement 500 grammes de pâtes et me couche à même le sol, sans installer la tente. A quatre heures du matin, je me fais réveiller par la pluie et constate que le vent s'est calmé. Je saisis cette opportunité et me mets en route à la lueur de ma lampe frontale. Je bénéficie de deux heures de répit mais rapidement les conditions se dégradent et deviennent extrêmes : brouillard, température polaire, trombes d'eau me fouettant le visage, vent soufflant encore plus fort que la veille. A plusieurs reprises, je passe près du tonneau. Mais après cinq heures d'effort, j'aperçois enfin El Chalten.
J'arrive là-bas en milieu de matinée, soulagé. Je suis sale, affamé, épuisé. J'ai vraiment besoin de récupérer...

vendredi 3 février 2012

L'enfer de la route 40 – Deuxième partie

Revigoré par un superbe lever de soleil, je termine la ligne droite de 70 kilomètres entamée la veille, avant de retrouver avec joie un virage et l’asphalte. Sur ma carte, un village est indiqué à une trentaine de kilomètres de là. J'espère y trouver de quoi me ravitailler car j'ai épuisé mes vivres. Mais arrivé sur place, je ne trouve qu'une seule maison, celle de l'intendant régional de la Direction des Routes. Il m'indique qu'il n'y a aucun village sur la route avant 300 kilomètres. La seule solution pour trouver de la nourriture est de quitter la Route 40 pour gagner la bourgade de Gobernador Gregores. Cela représente un détour de 70 kilomètres mais je n'ai pas le choix. J'embarque 10 litres d'eau et me mets en route. La route menant à Gobernador Gregores est également en travaux. Une grande partie est déjà asphaltée mais n'est pas encore ouverte à la circulation. Un responsable des travaux m'invite cependant à l'emprunter. Malgré le vent - toujours défavorable -, le trajet est agréable car je retrouve un paysage vallonné rompant la monotonie de la pampa plane.


J'arrive à Gobernador en fin d'après-midi et me pose dans un hospedaje afin de fuir provisoirement le vent. Car ce vent, qui ne s'arrête jamais, rend fou. Non seulement il m'est défavorable la plupart du temps lorsque je suis sur le vélo, mais il m'empêche aussi de monter ma tente et nécessite une attention de tous les instants. Un gant ou un paquet de biscuit posé par terre et c'est fini, le vent l'emporte immédiatement.

Depuis Gobernador, des bus partent pour El Chalten. Je me donne la soirée pour réflechir : prendre un bus ou poursuivre ce défi. Après un bon repas et une nuit de repos, je choisis finalement de continuer en vélo. Je suis à moins de 180 kilomètres du village de Tres Lagos - où la route redevient asphaltée - que je devrais pouvoir atteindre en deux jours. Je fais le plein de provision et me mets en route pour regagner la Route 40 par le Sud.

Assez vite, je regrette ma décision car la piste est extrêmement mauvaise. Une voix me dit de faire machine arrière mais je ne l'écoute pas. Je continue sur cette piste très difficile avec un vent de face de plus en plus puissant. Je suis de nouveau complètement seul. Pas un signe de vie, pas une voiture de la journée. Je me demande alors pourquoi je m'inflige cela. Car, j'ai beau chercher, je ne trouve aucun plaisir à lutter ainsi contre les éléments, hormis peut-être le dépassement de soi. Heureusement, j'ai le ciel avec moi puisqu'un soleil éclatant m'accompagne globalement depuis mon départ de Perito Moreno. Après soixante kilomètres de lutte, je retrouve la Route 40 où j'espère trouver une piste en meilleur état. Hélas, ça n'est pas le cas, bien au contraire. Je ne trouve que du sable profond recouvert de grosses caillasses et toujours ce vent de Patagonie.



Aux termes de deux heures d'effort durant lesquelles je parcours une ligne droite et plate de dix kilomètres, je découvre, à la faveur d'une descente, un panorama somptueux donnant sur le Lago Cardel. Ce paysage, magnifié par le coucher de soleil, justifie à lui seul les énormes efforts consentis toute la journée. Cerise sur le gâteau, en bas de la descente, je trouve un bel endroit bien abrité me permettant de monter de ma tente et de passer une belle soirée.



mercredi 1 février 2012

L'enfer de la Route 40 !

Arrivé dans la ville de Perito Moreno – qui n'a rien à voir avec le mondialement connu glacier du même nom, situé à 700 kilomètres de là -, je me ravitaille et décide de m'engager dans cette aventure mais sans réelle conviction. Mon enthousiasme modéré est réduit à néant par une crevaison intervenant quelques kilomètres après la sortie de la ville. Puis, le coup de grâce. Je découvre, médusé, que toute la bande de roulement de mon pneu droit est complètement usée, alors même que j'ai changé ce pneu il y a moins de 1.500 kilomètres ! Je remonte alors mon vieux pneu que j'avais gardé par précaution en espérant qu'il tiendra.

Alors qu'une partie de mon cerveau me dit de retourner à Perito Moreno pour passer la nuit et faire le point, un autre partie me pousse à continuer. J'écoute cette dernière et progresse rapidement, porté par un fort vent de dos. Après une quinzaine de kilomètres, je réalise que je ne suis pas sur la bonne route. Je n'ai alors pas d'autre choix que de faire demi-tour, avec vent de face donc. Je paie ainsi très cher cette erreur de parcours et met près de trois heures pour regagner Perito Moreno où je passe la nuit dans un camping abandonné.

Je réfléchis une bonne partie de la nuit sur la suite à donner au voyage : prendre un bus jusqu'à El Chalten ou tenter l'aventure à vélo. C'est cette dernière option que je choisis. Je sais que cela va être difficile mais je suis venu ici pour faire du vélo, pas pour prendre le bus.

Dès la sortie de Perito Moreno, je me retrouve complètement seul. Devant moi, s'étend à perte de vue la pampa. Un peu de musique « péchue » dans les oreilles me donne le courage de m'élancer sur la Ruta 40 pour 700 kilomètres de désert.
Les premières heures se passent bien. Je suis porté par un vent de trois-quart dos et un paysage magnifique. Car à cet endroit, la pampa est encore un peu vallonnée avec des collines multicolores. Ce décor me rappelle l'outback australien de la région de Coober Peddy alors même que la Patagonie chilienne – distante de quelques kilomètres - m'a fait penser à la Nouvelle-Zélande.




L'enchantement ne dure cependant pas longtemps. Après soixante kilomètres, la route change de direction et je dois désormais affronter un terrible vent de trois-quart face. Trente kilomètres plus loin, la situation ne s'arrange pas puisque l'asphalte fait place à une piste très mauvaise, avec un revêtement de grosses caillasses reposant sur un sol sableux. Je regrette alors de n'avoir pas pris le bus. Et l'auto-stop n'est pas envisageable car il n'y pas personne sur cette route. La seule solution pour sortir au plus vite de ce cauchemar est donc d'avancer. Sur ma carte, un village est indiqué à 130 kilomètres de Perito Moreno. Peut-être pourrais-je prendre le bus là-bas. Je me fixe donc comme objectif de l'atteindre ce soir. J'y arrive à 23h00, épuisé après plus de douze heures de pédalage. A mon arrivée, tout le village dort déjà. Le vent souffle tellement fort qu'il est inimaginable de planter la tente. Je trouve donc refuge derrière une haie à la sortie du village et dort à la belle étoile après m'être cuisiné rapidement 500 grammes de pâtes. Je me lève à l'aube et découvre un village minuscule où aucun bus ne s'arrête. Je n'ai pas le choix, il me faut continuer.

Malgré un vent toujours aussi fort, ma deuxième journée commence un peu mieux puisque je retrouve une route asphaltée.


Mais cela ne dure pas et très vite, je retrouve un ripio d'une très mauvaise qualité. En réalité, tout le tronçon de la Route 40 que j'emprunte est en travaux et devrait être asphalté dans quelques années. En attendant, la circulation s'effectue sur une piste parallèle provisoire pour laquelle aucun travail d'entretien n'est effectué. En plus du vent et de la caillasse, je dois donc composer avec les engins de chantier qui me recouvrent de poussière à chaque manœuvre.
Pour couronner le tout, j'évolue désormais sur une interminable ligne droite. En fin de journée, alors que je roule sur cette ligne droite depuis plus de sept heures, des ouvriers travaillant à la construction de la route me proposent de partager avec eux un maté. Pendant ce moment de convivialité - véritable institution en Argentine – ils m'indiquent un lieu à quelques kilomètres de là où je pourrais dormir à l'abri du vent.
L'endroit, en effet, est bien abrité, mais beaucoup trop petit pour planter la tente. Tout comme la veille, je me couche la tête dans les étoiles. Cette nuit à la belle étoile me permet aussi d'admirer un fabuleux lever de soleil. C'est certainement ce ciel magique de Patagonie qui me donne la force de continuer.