En ce samedi 4 février, je fête mes 32 ans. Une journée mémorable où je me suis offert comme cadeau ... la journée la plus trash du voyage !
Retour en arrière, tout avait bien commencé, avec un bon petit déjeuner dégusté au soleil levant.
Arrivé sur un plateau, la piste s'aplanit et le sable laisse place à un champ de caillasse me donnant l'impression d'évoluer sur un pierrier ! Surtout, le vent se met à souffler de plus en plus fort. Certaines rafales sont si violentes qu'elles me stoppent net. Lorsque je fais une pause, ça n'est pas mieux : j'ai du mal à tenir debout et à deux reprises ¡Caramba! – qui pèse tout de même près de soixante kilos avec les bagages - se fait renverser.
Mais cela n'allait pas durer... Dès les premiers hectomètres, je dois pousser ¡Caramba! régulièrement sur une piste sablonneuse composée d'une succession de montées et descentes très raides.
Je suis obligé d'aller puiser très loin dans mes ressources mentales pour progresser sur cette ligne droite monotone. Je ferais bien du stop mais il n'y a quasiment personne sur cette route, moins de dix voitures par jour. Et les quelques vacanciers s'arrêtant spontanément pour me proposer de l'eau et de la nourriture n'ont pas la place de m'embarquer avec ¡Caramba!
Vers 16 heures, le vent gagne encore en intensité et j'avance à moins de cinq kilomètres par heure. Quelques minutes plus tard, une rafale de côté d'une violence incroyable me renverse et me fait carrément partir en tonneau ! Je me retrouve bloqué sous ¡Caramba!. J'arrive à me dégager mais à ce moment, mes lunettes tombent et se font emporter par le vent !
Avec la plus grande difficulté, j'arrive à remettre ¡Caramba! sur ses roues et à l'aligner dans l'axe du vent. Puis par chance, je retrouve mes lunettes quelques mètres plus loin, complètement rayées, … mais sans mes verres correcteurs (j'ai des lunettes de sport avec verres interchangeables, derrières lesquels viennent se clipser les verres correcteurs). Je me retrouve au milieu de la Route 40, c'est-à-dire au milieu de nulle part, sans pouvoir avancer et sans lunettes de vue, puisque mon autre pair a été volée à San Martin de Los Andes. Je vis un cauchemar, de loin la pire journée de mon voyage ! Après cinq minutes de recherche à quatre pattes, je retrouve miraculeusement mes verres correcteurs. Complètement sonné par ce qu'il vient de m'arriver, je me pose quelques minutes sur le bord de la route. Ayant repéré un gros rocher à quelques mètres de là me permettant de m'abriter du vent, je décide de m'arrêter pour plusieurs heures car cela devient trop dangereux de continuer vu mon état de lucidité.
J'espère pouvoir reprendre la route de nuit, moment où le vent est censé tomber. En attendant, je m'installe comme je peux et m'endort rapidement. Je me réveille en début de soirée et célèbre mon anniversaire avec un dîner de fête : une boite de thon, quelques galettes salées, une banane et deux carrés de chocolat !
J'espère pouvoir reprendre la route de nuit, moment où le vent est censé tomber. En attendant, je m'installe comme je peux et m'endort rapidement. Je me réveille en début de soirée et célèbre mon anniversaire avec un dîner de fête : une boite de thon, quelques galettes salées, une banane et deux carrés de chocolat !
Puis je me recouche et me réveille toutes les heures pour suivre l'évolution du vent. Mais celui-ci ne se calme pas. Je ne quitte ainsi mon rocher que le lendemain matin et reprend la route dans un état d'épuisement physique et surtout mental avancé. Le cauchemar continue et semble ne jamais s'arrêter. Je crois n'avoir jamais repoussé si loin mes limites. Je ne suis même plus dans le dépassement de soi, je suis en train de devenir fou ! Je me mets à divaguer, entamant un dialogue solitaire avec ¡ Caramba ! Si vous voulez avoir une idée de mon état à ce moment-là, je vous invite à allez voir les vidéos de Gérard d'Aboville lors de sa traversée à la rame de l'Océan Atlantique.
Mais je n'ai pas d'autres choix, il me faut avancer … Après une nouvelle journée de souffrance, j'arrive enfin à Tres Lagos, une petit village sans aucun charme mais synonyme de délivrance et de paradis pour moi. Je m'offre, avec un jour de retard, une confortable chambre d'hôtel et un bon repas, pour fêter mon anniversaire.
Bien reposé, je reprends la route en direction d'El Chalten – distant de 120 kilomètres - plein d'entrain puisqu'à partir de Tres Lagos la Route 40 est de nouveau une belle route asphaltée. Mais le sort semble vouloir s'acharner puisqu'après seulement trois kilomètres, je crève. Le ripio de la Route 40 a été terrible et mes pneus n'ont presque plus d'épaisseur. J'espère tout de même pouvoir atteindre El Chalten.
Après 35 kilomètres, j'arrive à l'intersection menant à ce village. El Chalten n'est en effet pas situé sur la Route 40, mais au fond d'une vallée. C'est par là que j'aurais dû arriver si j'avais pris la Carretera Austral jusqu'au bout. Cela représente un aller-retour de 180 kilomètres mais qui vaut la peine d'être entrepris. El Chalten est en effet situé au pied du fabuleuse chaîne de montagne dominée par le sublime Mont Fitz Roy (3.400 mètres d'altitude).
J'espère pouvoir arriver là-bas ce soir malgré le vent, car les 90 kilomètres menant à El Chalten s'effectuent avec vent de face...
J'espère pouvoir arriver là-bas ce soir malgré le vent, car les 90 kilomètres menant à El Chalten s'effectuent avec vent de face...
Mais le miracle ne se produit pas. Comme tous les jours, le vent forcit dans l'après-midi, rendant ma progression très difficile. Une nouvelle rafale d'une rare violence me fait même de nouveau partir en tonneau. Dans la chute, mon genou s'écrase violemment sur le sol. La douleur est intense et pendant quinze minutes, je ne peux plus bouger la jambe. Le cauchemar, toujours et encore. Voilà une semaine que je suis en enfer. Une semaine de souffrance où les sources de plaisir et de satisfaction on été rares. La semaine plus éprouvante de mon voyage ...
Mais je ne veux pas m'arrêter là et repart tant bien que mal. Je pédale jusqu'au coucher du soleil et trouve un endroit à l'abri du vent. J’engloutis rapidement 500 grammes de pâtes et me couche à même le sol, sans installer la tente. A quatre heures du matin, je me fais réveiller par la pluie et constate que le vent s'est calmé. Je saisis cette opportunité et me mets en route à la lueur de ma lampe frontale. Je bénéficie de deux heures de répit mais rapidement les conditions se dégradent et deviennent extrêmes : brouillard, température polaire, trombes d'eau me fouettant le visage, vent soufflant encore plus fort que la veille. A plusieurs reprises, je passe près du tonneau. Mais après cinq heures d'effort, j'aperçois enfin El Chalten.
J'arrive là-bas en milieu de matinée, soulagé. Je suis sale, affamé, épuisé. J'ai vraiment besoin de récupérer...
J'arrive là-bas en milieu de matinée, soulagé. Je suis sale, affamé, épuisé. J'ai vraiment besoin de récupérer...
wahou, wahou, wahou... je suis scotché par ton récit.
RépondreSupprimerLa première phrase m'a fait beaucoup rire, et puis ensuite, pas trop. Pour être honnête, là, on aimerait pas être à ta place sur la route 40.
Et dire qu'on t'avait souhaité un bon, joyeux et très agréable anniversaire... ben merde, c'est raté.
Bon courage , Dim !
etienne
En tout cas, tu n'as pas perdu ta qualité de rédaction.
RépondreSupprimerCet article nous fait vraiment vivre les conditions que tu as endurées.
Bravo et courage.
Marie et Adrien