lundi 19 décembre 2011

A la découverte de la Pampa argentine

Au camping le lendemain matin je rencontre un couple français, Virginie et Matthieu, voyageant en vélo avec leur petite fille Mano pendant six mois en Argentine. Avant de partir, ils m'offrent un récit de voyage de Jean Raspail en Terre de Feu, « Adios, Tierra del Fuego », qu'ils viennent de terminer de lire.

Puis, après une journée de repos, nous reprenons la route avec Diego. Et pas n'importe quelle route. Nous évoluons en effet désormais sur la mythique « Ruta 40 ». Longue de près de 5.000 kilomètres, cette route traverse l'Argentine du Nord au Sud, jusqu'à Ushuaia. Je ne vais cependant pas l'emprunter entièrement, mon itinéraire alternant entre Argentine et Chili.

L'étape du jour est courte et doit nous mener à Aimacha del Valle, où nos routes vont ensuite se séparer. Les cinquante-cinq premiers kilomètres s'effectuent sans problème, malgré une chaleur accablante. Les quinze derniers sont un cauchemar. A l'heure la plus chaude de la journée, nous attaquons en effet un faux plat montant qui se transforme rapidement en une pente prononcée.




Il fait si chaud que mon eau devient vite imbuvable. Nous arrivons assoiffés à Amaicha en début d'après-midi. Le village est charmant, avec une belle place centrale ombragée parfaite pour siroter une bière bien méritée.


On nous y apprend que ce soir, un grand bal populaire est organisé dans le village. Le temps de poser nos tentes sur le terrain du camping municipal, et nous voici plonger au cœur de la culture populaire argentine. Mais la fatigue me gagnant, je regagne ma tente de bonne heure.
Toutes les bonnes choses ont une fin et après cinq jours de franche rigolade avec Diego, voici venu le temps des adieux. Diego prend en effet la direction de l'Est et de Buenos Aires tandis que je poursuis ma route sur la Ruta 40 en direction du Sud.


Mais après quelques centaines de mètres, la réparation entreprise sur ¡Caramba! avec Christoph à l'entrée du Lipez cède. Elle a tout de même tenue près de 1.000 kilomètres.
J'effectue une nouvelle réparation, mais désormais cela devient vraiment urgent de trouver un professionnel car la chaîne frotte en permanence contre mon cadre. Heureusement, la route pour Santa Maria est majoritairement descendante. Arrivé la-bas, je constate malheureusement, comme je m'y attendais, que tous les garages sont fermés en ce dimanche. Je me dirige donc vers la gare routière pour prendre un bus jusqu'à une plus grande ville où je pourrais faire réparer ¡Caramba! A ce stade, cela n'est pas vraiment gênant car je pensais de toute façon prendre le bus sur ce tronçon, supposé ne pas être le plus beau du parcours. Le seul problème … c'est qu'il n'y a aucun bus effectuant ce trajet !

Je décide alors de rouler, au moins jusqu 'à la sortie de la ville, où je pourrai faire du stop. Sauf qu'une fois sur la Ruta 40, il n'y a personne ! Pas une voiture à l'horizon ! Malgré les frottements importants de la chaîne contre le cadre, je n'ai pas le choix: je dois pédaler !
J'évolue dans des paysages superbes et pas du tout monotones comme on me l'avait annoncé. Les longues lignes droites – généralement d'une vingtaine de kilomètres – traversent un effet un plateau légèrement vallonné, entre deux superbes chaînes de montagnes.




Profitant de ce superbe panorama qui me fait prendre conscience de l'immensité du pays – 2,8 millions de kilomètres carrés, soit plus de cinq fois la France -, j'en oublies presque mes ennuis mécaniques. La lumière de fin de journée et l'absence de trafic rendent le lieu encore plus magique. Je roule ainsi jusqu'au crépuscule où je me pose au bord de la route 40, derrière une dune à l'abri de la route. A l'abri de la route, certes, mais pas du vent qui se lève peu de temps après m'être couché. Un vent bientôt si violent que j'ai l'impression que mon double toit va s'envoler. Un vent faisant claquer la toile si fort et produisant un tel vacarme que je ne peux presque pas fermer l’œil de la nuit.

Au lever, le vent s'est un peu calmé mais n'a pas totalement disparu. Je commence donc ma journée avec un vent de face que je vais affronter toute la journée. Pour ajouter un peu de piment, la route devient non asphaltée après 25 kilomètres. Sans oublier que je n'ai plus d'eau depuis la veille au soir et que les villages indiqués sur ma carte n'existent pas. Après plus de trois heures de pédalage, je trouve enfin de la vie, me permettant de me ravitailler. En fin de journée j'entre dans un superbe canyon débouchant sur la ville de Belén, où après une semaine de bivouacs et de campings, je décide de me payer un hôtel.




Ce matin, je profite de dormir entre quatre murs pour faire une grasse matinée. Réveillé à l'aube, je me prélasse dans mon lit lorsqu'à 7h58, tout se met à trembler ! Le temps que je comprenne qu'il s'agit d'un tremblement de terre, tout est déjà terminé. En prenant mon petit-déjeuner dans le salon de l'hôtel quelques minutes plus tard, j'entends à la radio locale que le « Terremoto » a été fort, d'une magnitude de 4,5 sur l'échelle de Richter. Aucun dégât n'est cependant à déplorer.

Avant de commencer ma journée de vélo, je me rends dans un atelier de soudure voisin de l'hôtel, pour voir s'il peut faire quelque chose pour ¡Caramba!. Et miracle, il arrive effectivement à retirer le bout de vis bloqué dans le pas de vis du cadre. A la suite de quoi, je peux donc installer une nouvelle vis et fixer de nouveau la roulette guidant la chaîne.
Dès les premiers kilomètres, je retrouve une facilité de pédalage que je n'avais plus connu depuis bien longtemps ! Un peu comme si, durant tout ce temps, j'avais roulé avec le frein arrière bloqué !
Malgré un ciel gris et une pluie de plus en plus intense, j'avale les kilomètres dans un état d'euphorie. Vingt kilomètres après la sortie de Belén, je suis arrêté pour un énième contrôle policier : vérification du passeport, âge, profession, employeur, itinéraire,motif et durée de mon voyage, ... A chaque fois, un interrogatoire d'une dizaine de minutes que je semble être le seul cycliste à subir en Argentine. Certainement à cause de la géométrie particulière de mon vélo … 



Je me remets en route, toujours dans un état d'euphorie me permettant de parcourir plus de 150 kilomètres dans la journée, jusqu'au village de Pituil, pause obligatoire pour tout cyclo-voyageur. La tradition ici est en effet de planter sa tente … sur la place du village !


Je quitte Pituil de bonne heure et reprend mon trajet sur la Ruta 40, toujours au milieu de paysages enchanteurs. Alors que je suis en train de soulager la nature entre deux bosquets, je me fais attaquer par une horde d'insectes qui me dévorent en quelques secondes. Résultat, j'ai d'atroces démangeaisons pendant des dizaines de minutes où je pédale tant bien que mal.


Je dois ensuite faire face à une autre attaque, celle du soleil. Car il fait très chaud dans cette région d'Argentine en ce début d'été austral. Le thermomètre grimpe allègrement au-delà de 35° et les zones d'ombres sont très rares. Arrivé à Chilecito, je m'offre donc une longue pause de deux heures à la terrasse d'un café sur la Place principale. Dès la sortie de la ville, je suis escorté par un cycliste local, Eneze, avec qui je roule une vingtaine de kilomètres. Mais très vite, j'ai de nouveau très chaud et je suis obligé de m'arrêter pour faire une pause à l'ombre d'un bel arbre. On m'indique alors la présence d'un canal à quelques centaines de mètres. Je ne me fais pas prier et me précipite dans cette eau fraîche et salvatrice.
C'est revigoré que j'entame alors l'ascension de la Cuesta de Miranda, une côte d'une trentaine de kilomètres mais de seulement 1.000 mètres de dénivelé. Peu à peu les paysages deviennent magiques, avec une alternance de montagnes vertes et ocres, le tout avec un ciel d'un bleu profond. Je m’arrête pour bivouaquer après une vingtaine de kilomètres et profite d'un somptueux coucher de soleil.


Le lendemain je termine l'ascension. Cette dernière partie, sur une étroite route non asphaltée à flanc de falaise, est la plus difficile mais également la plus belle. La descente est tout aussi magique même si dois passer quelques sections de « tôle ondulée » avant de retrouver l'asphalte trente kilomètres plus loin.




Arrivé à Villa Union, je me fais arrêter par un automobiliste travaillant pour un site internet d'information locale. Photo, interview, puis je gagne la Place du village où, comme la veille, je m'octroie deux heures de pause à l'ombre. Et comme la veille, la reprise est difficile à cause d'une chaleur étouffante. Sur ce tronçon de route où le trafic est un peu plus important plusieurs automobilistes s'arrêtent pour m'offrir de l'eau et même du vin ! Malgré une grande fatigue, je pousse jusqu'au village de Guandacol où je m'arrête pour la nuit. Une nuit malheureusement peu réparatrice car il fait si chaud que j'ai du mal à dormir.
Je reprends la route de bonne heure et rapidement, un fort vent de face fait son apparition. Il va m'accompagner durant les onze heures de vélo de la journée, la plus longue du voyage. Je ne pensais pas pédaler si longtemps mais dans ce paysage désertique où il n'y a pas un village, pas un coin d'ombre, la meilleure façon d'échapper à la chaleur est finalement de pédaler. Je m'arrête en bord de route au coucher du soleil alors que le vent souffle toujours aussi fort, me compliquant considérablement le montage de ma tente.

Je reprends la route une nouvelle fois de bonne heure et après vingt-cinq kilomètres, j'aperçois au loin deux cyclistes. En me rapprochant, je reconnais ces silhouettes: il s'agit de celles de Nadine et Gaëtan, le couple suisse rencontré à Uyuni et que j'avais également croisé en pleine détresse dans le Sud-Lipez.



Eux aussi ont prévu de passer Noël à Santiago avec les autres cyclistes. Mais leur itinéraire est différent puisqu'ils ont prévu de rouler jusqu'à Mendoza et de là, de prendre un bus jusqu'à Santiago. Fatigué par le rythme infernal que je m'impose depuis une dizaine de jours, je décide alors de modifier mes plans et de rouler avec eux. La journée est agréable, malgré une double crevaison sur mon pneu arrière. Arrivés à San Juan, nous devons faire face, une nouvelle fois, à un accueil pas toujours très chaleureux. Nous nous réconfortons le soir avec une bonne bière et deux douzaines d'empanadas.

Puis le lendemain, nous prenons la route de Mendoza, distante de 160 kilomètres. En ce dimanche matin, la ville dort encore, noud permettant de sortir facilement de San Juan. La route est affreusement monotone, il fait très chaud et nous devons affronter un vent de face. Mais nous essayons d'avancer le plus possible car demain lundi, il risque d'y avoir beaucoup plus de camions. A mi-chemin entre San Juan et Mendoza, nous rencontrons un couple de cyclistes stéphanois (Fouya !), Julien et Karine, partis d'Ushuaïa trois mois plus tôt et se rendant à Quito. Après avoir échangé quelques conseils, nous reprenons la route pour une trentaine de kilomètres et bivouaquons en bord de route.

Même s'il le nous reste qu'une soixantaine de kilomètres avant Mendoza, nous partons de bonne heure car nous voulons absolument arriver avant 13 heures. La banlieue de Mendoza est en effet assez dangereuse et plusieurs cyclistes s'y sont déjà fait braquer. Or la majorité des attaques a lieu entre 13 et 18 heures, pendant l'heure de la sieste - y compris pour la police! -, lorsque les rues sont désertes...
La route est difficile : les paysages sont monotones, le trafic est dense, la chaleur est intense, le vent de face est encore plus fort que les autres jours et je suis de plus en plus fatigué, au bord de la rupture. Mes genoux, notamment, commencent à me faire souffrir. C'est donc avec soulagement que j'arrive à Mendoza, après un périple de 1.900 kilomètres parcourus en 18 jours depuis Tupiza, dont deux jours de repos, soit une moyenne de près de 120 kilomètres et 8 heures de pédalage par jour.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire