samedi 22 octobre 2011

Eprouvante Vallée de Lluta

Après trois jours de pause, il est temps de reprendre la route. Mais ce matin, le réveil est difficile. Car ces trois jours n’ont pas été de tout repos. Il a fallu tout d’abord absorber les deux heures de décalage horaire. Ensuite, la mise à jour du blog et la préparation de la suite du voyage m’ont demandé beaucoup d’énergie.
C’est donc dans un état de fraicheur tout relatif que nous quittons Arica en fin de matinée. Nous commençons par remonter la côte pacifique en direction du Pérou sur une dizaine de kilomètres avant de nous enfoncer dans les terres et de pénétrer dans la Vallée de Lluta. Marquant le début du désert d’Atacama, cette vallée aride signifie aussi pour nous le début d’une ascension de près de 180 kilomètres devant nous mener à plus de 4.500 mètres d’altitude.


Sur cette route, en plus de la chaleur, on nous a promis l’enfer  des  camions boliviens et de leur chauffeurs à la réputationpour le moins sulfureuse. En effet, la Bolivie n’ayant pas de littoral, cette route constitueson principal point d’accès à l’Océan. Elle est ainsi empruntée chaque jour par 1.200 camions ralliant le port d’Arica à La Paz.
Mais sur les premiers kilomètres, la route – parfaitement asphaltée – est plutôt agréable.


La pente est douce, un léger vent de Nord-Ouest nous porte et nous n’apercevons que trèspeu de camions. De plus lorsque cela se produit, les chauffeurs nous saluent chaleureusement et, à la différence de leurs homologues péruviens, sans kaxonner à hauteurd’oreille. Je pense d’ailleurs que j’ai perdu une partie de mon audition du côté gauche à force de subir les incessants coups de klaxons,véritable sport national au Pérou !
Mais très vite les choses se gâtent, la chaleur devient intense et la pente se raidit



Au détour d’un virage en épingle, nous apercevons la première carcasse de camion tombée dans le ravin.



Une scène qui va se reproduire plusieurs fois pendant l’ascension. Après 1.400 mètres de dénivelé positif avalés, nous plantons la tente à l’abri du regard des chauffeurs boliviens en plein désert et jouissons d’un splendide coucher de soleil.



Malgré une bonne nuit de sommeil, la fatigue est bien présente au réveil, annonçant une journée difficile. Et cela va très vite se confirmer.

D’une part, les paysages sont monotones et notre vue ne porte jamais à plus d’un kilomètres. D’autre part, la chaleur s’installe dès les premières heures du jour pour rapidement dépasser les 30 degrés. Il fait tellement chaud que je n’arrive presque pas à m’alimenter et que nos réserves d’eau diminuent de façon dramatique, nous obligeant à rationner notre consommation. C’est donc épuisés et assoiffés que nous arrivons en fin d’après-midi sur un plateau à 3.000 mètres d’altitude. Heureusement, après quelques kilomètres, nous apercevons au loin une habitation, la première depuis plus de 70 kilomètres. Posée en plein désert et rassemblant un étonnantbric-à-brac, celle-ci semble être la demeure d’un original ayant voulu fuir le monde moderne, me rappellant en cela certaines maisons de CooberPeddy, au nord d’Adelaïde, en Australie.



A la vue du propriétaire, mon intuition se confirme. Alexis, un sexagénaire italien a barroudé de nombreuses années avant de poser ses valises au Chili en 1971 et de se retirer ici, au milieu de nulle part deux ans plus tard, à l’arrivée de Pinochet au pouvoir. Pour subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa (jeune) femme et de ses (très jeunes) enfants, il a transformé sa suprenante habitation en auberge pour touristes à qui il propose des initiations à l’astronomie. Le ciel du Chili est en effet réputé pour offrir les meilleurs conditions d’observations. Les plus grandstéléscopes du monde se situent d’ailleurs tous dans cette région du désert d’Atacama.
Hippie affirmé, Alexis nous dit toute sa haine et son mépris pour le monde moderne, la politique, la société de consommation… Cela ne l’empêche cependant pas de nous facturer deux matés de cocas et deux sandwichs à un prix prohibitif! Nous quittons donc rapidement ce lieu plein de contradictions et trouvons quelques kilomètres un parfait lieu de bivouac à l’écart de la route et à l’abri du vent.
Nous attaquons notre troisième jour d’ascension en espérant que ce sera le dernier car la lassitude commence à peser. Mais la dureté de l’effort est compensée par le fabuleux panorama que nous commençons à entrevoir en entrant dans le Parc national de Lauca.


Devant nous en effet, se dressent d’inombrables volcans, dont beaucoup dépassent les 6.000 mètres. De plus, si l’altitude rend la respiration plus difficile, elle nous apporte aussi de la fraîcheur, bienvenue après deux jours d’intense chaleur.

Arrivés à Putre, alors que nous pensions avoir fait le plus dur, nous découvrons que la route s’élève brutalement, avec des pourcentages supérieurs à 8 %. Pour me donner du courage, je détourne la tête de la route et admire le sompteuxpaysage qui s’étend devant moi. Mais la chute d’unepierre – heureusement de petite taille – sur mon crâne me rappelle rapidement à la réalité et à la nécessité de rester concentré sur ces routes de montagne.
Arrivés à 4.000 mètresd’altitude, la route s’aplanit enfin quelquepeu. Je n’ai cependant pas le temps de savourer cette bonne nouvelle car quelques hectomètres plus loin, j’ai la désagréable surprise de découvrir que la route asphaltée laisse la place à une piste de gravier. Et comme par hasard, nous croisons à partir de ce moment là d’inombrables camions, nous étouffant dans d’épais nuages de poussières.

Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, un vent glacial se lève presque simultanément, nous faisant perdre près de dix degrés instantanément. Puis, cinq minutes plus tard nous nous retrouvons privés de soleil, faisant plonger encore un peu plus la température. Par chance, nous trouvons immédiatement un lieu de bivouac. Mais avec ce froid extrême et ce vent infernal, j’éprouve la plus grande difficulté à monter ma tente. Malgré mes gants, je ressens une affreuse douleur aux mains. Avec l’aide de Christoph, je parviens finalement à m’installer, mais il me faut près d’une heure avant de me réchauffer. Trop fatigués pour cuisiner, nous nous contentons de quelques galettes, blottis au fond de nos duvets, avant de nous endormir. Mais très vite je suis réveillé par le vent, qui continue à souffler pendant un bon moment. De plus, l’air est tellement sec que j’ai du mal à respirer. Résultat, je ne dors que quelques heures.
Au matin, je constate que la température est descendue en-dessous de zéro dans la tente. Les parois interieures sont ainsi recouvertes de givre et l’eau de ma gourde s’est transformée en glaçon. Dehors, le petit ruisseau à coté duquel nous avons plantés les tentes et qui coulait normalement la veille est lui aussi complètement gelé. Renseignement pris, nous apprenons que le thermomètre a atteint les - 15 degrés cette nuit!

En plus du manque de sommeil, ma fatigue est accentuée par l’altitude. Car nous sommes à près de 4.200 mètres d’altitude et la route ne semble jamais vouloir s’arrêter de monter.   De plus, je ne peux pas m’hydrater car l’eau de mon bidon et de mon camelback ne dégèle pas. Il fait en effet encore très froid ce matin. Heureusement après dix laborieux kilomètres, nous tombons sur des ouvriers travbaillant à la construction de la route qui nous ravitaillent en eau. Mais nous devons désormais conjuguer avec une piste de plus en plus mauvaise, très poussièrieuse et présentant de nombreuses sections de “tôle ondulée”.



Enfin, vers 16h00, nous atteignons le sommet du col où nous retrouvons une route asphaltée. La descente  nous offre alors une vue magnifique sur le Lago Chungara et sur les volcans Parinacota (Chili) et Sajama (Bolivie), trônant à plus de 6.300 mètres et sublimes avec leur cônes parfaits.








Arrivé au lac, le paysage est quelque peu gaché par le complexe douanier de Chungara. La frontière bolivienne se situe en effet à moins de dix kilomètres et les autorités chiliennes contrôlent ici tous les camions provenant de Bolivie, formant une file impressionnante s’étendant sur près de deux kilomètres.

Comme il se fait déjà tard et que nous ne voulons pas revivre le cauchemar d’hier, nous demandons l’hospitalité aux carabineros chiliens, qui nous offrent un hangar désafecté pour la nuit.



Après quatre jours d’ascension, nous nous cuisinons un bon plat de pates agrémenté, comble du luxe, d’une sauce tomate, en admirant le Parinacota rougi par le soleil  couchant.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire