vendredi 30 septembre 2011

Un appétit d’ogre !

De retour à Puerto Maldonado, nous nous payons un bon et copieux dîner au restaurant car nous n’avons pas assez mangé durant notre séjour dans la jungle. En effet, même les jours où l’on ne pédale pas, notre corps réclame ses 5.000 calories quotidiennes. Nous avons aussi besoin de prendre des forces car nous avons prévus de faire de grosses étapes dans les prochains jours. Notre grand appétit se manifeste aussi sur le vélo car nous sommes désormais tous deux pressés de gagner le Sud.
Nous quittons donc Puerto Maldonado au petit matin et reprenons la même route qu’à l’aller.  Aidés par une température clémente, nous avalons les kilomètres. A 10 heures du matin, nous avons ainsi déjà parcourus 80 kilomètres. Mais progressivement, la chaleur devient insupportable et à 11 heures le thermomètre affiche ainsi 35 degrés. La seule manière d’échapper à cette fournaise est de maintenir une vitesse supérieure à 20 km/h, où l’air que l’on produit nous rafraîchit quelque peu. Il fait tellement chaud que je ne peux rien manger mais en revanche, je bois près d’un litre par heure.  En fin d’après-midi, nous atteignons la partie vallonnée de la route et progressons nettement moins vite. Heureusement, de nombreuses sections sont à l’ombre. Au crépuscule, après avoir parcourus près de 180 kilomètres, nous nous arrêtons dans un restaurant repéré à l’aller, et dont les propriétaires, charmants, nous offrent leur terrain pour un repos bien mérité.
Le lendemain nous reprenons la route encore plutôt que la veille pour profiter au maximum des heures les moins chaudes de la journée. Après une quinzaine de kilomètres, nous atteignons le croisement des routes de Cusco et de Puno et quittons donc la route empruntée à l’aller pour prendre la direction du Lac Titicaca. A partir d’ici la route s’élève et cela risque de durer un moment puisque nous sommes à ce moment là à 500 mètres d’altitude et que le lac se situe lui à plus de 3.800 mètres.
Très vite, je souffre de la chaleur, encore plus étouffante que la veille, d’autant plus que nous progressons à moins de 8 kilomètres/heures en montée. De plus, ces efforts  ne servent à rien puisque après chaque côte, nous reperdons  immédiatement le dénivelé chèrement gagné dans une descente bien trop rapide pour récupérer.
Après plus de cinq heures de dur labeur, nous atteignons un village dans lequel nous nous payons un menú del dia pour quatre soles.  Le menu typique au Pérou, comme en Equateur, est composé d’une soupe (souvent un bouillon de poule) et  d’une assiette de poulet accompagné de riz, de bananes et de frites. Pendant que nous dégustons ce déjeuner de gourmet, un orage éclate pour notre plus grand bonheur, rafraîchissant l’atmosphère. Une fois l’orage passé, nous reprenons la route et commençons cette fois véritablement l’ascension. La région est sauvage et nous n’aperçevons sur le bord de la route que quelques maisons délabrées. En fin d’après midi, alors que nous sommes en quête d’un lieu pour passer la nuit, nous entrons dans hameau doté d’une école. L’instituteur accepte sans hésiter de nous héberger et nous offre sa sale de classe comme dortoir.


Une aubaine car de nombreuses personnes, dont la police, nous ont fortement conseillé de ne pas camper dans toute la région L’instituteur nous confirme que nous ne sommes pas au bout de nos peines, avec encore environ 2.500 mètres de dénivelé positif à grimper.
Effectivement le lendemain la pente s’accentue dès les premiers kilomètres. Pour ajouter un peu de piment, la route n’est plas asphaltée dans les sections les plus raides (supérieures à 10 %), faisant chuter Christoph, heureusement sans gravité. Peu de temps après, nous traversons un village dans lequel nous subissons une énième attaque de chiens. Mais cette fois-ci, un chien prend notre défense, repoussant violemment ses congénères. Visiblement amoureux de ¡Caramba! et de Schlitten - luge en allemand, nom donné par Christophe à son vélo - le chien  décide ensuite de poursuivre sa route avec nous, repoussant à plusieurs reprises des assaults de chiens et ce pour notre plus grand bonheur.

Après plus de cinq heures d’ascension et 35 kilomètres parcourus, nou atteignons Ollachéa où nous décidons de prendre une chambre dans un hospedaje, malgré l’heure peu avancée. Car on nous confirme qu’il n’y a rien pour dormir avant plus de 50 kilomètres et qu’il serait dangereux de planter la tente en bord de route. La région est en effet actuellement marquée par de très fortes tensions entre les paysans et les mineurs. A en croire la population, ces derniers se comportent comme des cow-boys. N’ayant souvent aucune éducation, les mineurs gagnent en effet énormément d’argent (jusqu’à 50.000 euros par an, colossal dans un pays où le salaire minimum est de 200 euros mensuels) et se croient ainsi tout permis. Un habitant nous confie même qu’il serait capable de tuer un mineur si la situation dégénérait…
Nous déambulons ensuite dans les rues d’Ollachéa, en compagnie du chien qui semble ne plus vouloir nous quitter! Après lui avoir donné à manger, la personne de l’hospedaje nous propose de le garder avec elle. Mais le lendemain matin, le chien semble bien décidé à poursuivre sa route avec nous. Son nouveau maître l’enferme donc le temps que nous quittions la ville, pour attaquer notre troisième journée d’ascension.
Dès les premiers tours de pédales, les sensations ne sont pas bonnes. Le passage brutal de la jungle à la Cordillère se fait sentir. Nous avons en effet avalé près de 3.000 mètres de dénivelé en deux jours, avec  qui plus est deux climats très différents et pour la première fois depuis le début du voyage, je ressens les effets de l’altitude (essoufflement, nausée, mal de crâne). Heureusement, nous évoluons dans des paysages somptueux qui font quelque peu passés la douleur.



Christoph, de son côté, n’est pas non plus très bien et c’est épuisé que nous arrivons à Macusani dans une certaine ferveur.



En pénétrant dans cette ville de plusieurs milliers d’habitants, on se demande quelle raison a pu pousser des hommes à construire une ville à plus de 4.300 mètres d’altitude au milieu de nulle part et alors qu’il n’y a rien ici (pas de mine, pas de champ cultivable). On nous apprend finalement que cette ville, sans aucun charme et dans laquelle règne un froid glacial, a été (auto-)proclamée capitale mondiale de l’Alpaga.
Nous décidons de nous arrêter dans un hôtel pour nous reposer car on nous annonce encore 500 mètres de dénivelé avant de franchir le col nous ouvrant les portes du Titicaca.  Nous reprenons la route le lendemain dans une épaisse brume que le soleil perce peu à peu, conférant une ambiance magique.




Au bout d’une heure, le brouillard se disperse, dévoilant une vue majestueuse sur toute la vallée, dominée par le Mont Alincápac (5.745 m).



Mais ce paysage se paie au prix fort : mon ventre me fait énormément souffrir, j’ai l’impression que ma tête va exploser et je suis tellemet essouflé que je suis obligé de faire une pause tous les cent mètres. Finalement après deux heures de souffrance,  nous atteigons dans une joie extrême le sommet de l’Abra Oquepuño, à 4.873 mètres d’altitude, concluant quatre jours d’ascension (4.300 mètres de dénivelé positif). Nous savourons cet instant avant d’attaquer la longue descente en pente douce devant nous mener sur les rives du Lac Titicaca, mille mètres plus bas.

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