Arrivés à Uyuni en fin de journée, nous nous dirigeons immédiatement vers l'hôtel indiqué par Jurgen, le cycliste allemand rencontré à la sortie du salar. Nous rêvons d'une bonne douche et d'un bon repas après onze jours magnifiques mais passés dans des conditions spartiates.
Nous garons nos vélos dans la cour de l'hôtel à côté de trois autres vélos. Des vélos que reconnaît immédiatement Christoph pour deux d'entre eux puisque ceux-ci sont en … bambou. Christoph m 'explique qu'il s'agit des vélos de Joost et Michiel, deux hollandais voyageant depuis l'Alaska et qu'il a déjà croisé plusieurs fois sur la route et qui sont, visiblement, partis en excursion quelques jours en laissant leurs vélos ici.
Pour ceux intéressés par ce genre de vélos, voici les liens de deux fabricants américains : Bamboosero et BambooBikeProject. Personnellement, je pense qu'un exemplaire de ces superbes machines ne va pas tarder à venir tenir compagnie à mes quatre vélos !
Nous visitons rapidement Uyuni, qui ne présente aucun intérêt. De plus, ses habitants ne sont pas des plus charmants, considérant les touristes uniquement comme des pompes à fric. Les prix pratiqués ici, en particulier pour la nourriture, sont d'ailleurs délirants, parfois aussi élevés qu'en Europe. Et lorsque l'on veut se rendre dans les quartiers fréquentés par les boliviens et non pas par les touristes, on est très mal reçu quand on ne nous met pas tout simplement dehors !
Notre séjour ici a pour seul but de nous reposer avant de nous attaquer au plus gros défi du voyage, le désert du Lipez : 250 kilomètres entre Uyuni et San Pedro de Atacama, au Chili, dans un des endroits les plus arides et les plus hostiles de la planète. Les températures y régnant sont extrêmes - pouvant dépasser les 30 degrés dans la journée et descendre jusqu'à -30 degrés durant la nuit – et le vent soufflant presque tous les après-midi peut y être d'une grande violence. Le tout en évoluant sur des pistes rocailleuses et sablonneuses situées entre 4500 et 5000 mètres d'altitude. Le Lipez représente un défi tant physique que mental s'effectuant en quasi-autonomie totale. Mais je pense être bien préparé. J'ai notamment imprimé les topos de cyclistes m'ayant précédés, avec tous les points d'eau, le profil, et les sections de tôles ondulées et de sable profond. De plus, l'aborder à deux, avec Christoph, devrait rendre l'aventure un peu moins difficile.
La veille de notre départ, nous retrouvons Jurgen, de retour de son escapade de trois jours sur le Salar. Nous voyons également arriver Joost et Michiel, accompagnés de Siska - une cycliste belge flammande voyageant avec eux depuis quelques mois -, revenant de Potosi en bus où ils ont visité les célèbres mines d'argent où des millions d'indigènes sont décédés, forcés au travail par les Espagnols.
Nous dînons tous ensemble au restaurant et passons ainsi une dernière soirée bien agréable avant le Lipez. Nous prévoyons de nous revoir à Santiago pour Noël où Joost et Michiel veulent organiser un réveillon qui devrait réunir une vingtaine de cyclistes!
La nuit, je ne dors pas très bien, ressentant le même stress qu'à la veille d'une compétition. Le jour j, le réveil est difficile et la tension est palpable. Nous chargeons les vélos, avec quinze litres d'eau chacun et dix jours de nourriture dans un silence religieux.
Au moment de partir, arrivent à l'hôtel Julien et Laurie, un couple de belges wallons voyageant depuis Quito, également en vélos couchés . Ils sont heureux de nous rencontrés car ils entendent parler de nous depuis le Lac Titicaca, depuis lequel il ont empruntés exactement le même itinéraire que nous avec deux jours d'écart.
Au moment de partir, arrivent à l'hôtel Julien et Laurie, un couple de belges wallons voyageant depuis Quito, également en vélos couchés . Ils sont heureux de nous rencontrés car ils entendent parler de nous depuis le Lac Titicaca, depuis lequel il ont empruntés exactement le même itinéraire que nous avec deux jours d'écart.
A la mi-journée, nous prenons finalement LE départ. Nous aurions certainement eu besoin de deux ou trois jours de repos de plus, mais si je veux être à San Pedro de Atacama à temps pour retrouver ma sœur Rébecca, nous devons partir aujourd'hui.
Dès la sortie de la ville, nous nous retrouvons sur l'altiplano, chaud, désertique et offrant un paysage monotone. Mais, bonne surprise, en attendant d'entrer réellement dans le dur du Sud Lipez, la route est plate et en relativement bon état, nous permettant de progresser à bonne allure. Au crépuscule, nous atteignons ainsi San Cristobal, une ville minière où nous trouvons une chambre rudimentaire chez l'habitant pour quelques dizaines de bolivianos.
Le lendemain, nous retrouvons les mêmes conditions, même si le paysage est désormais embellit par la présence de quelques montagnes et volcans.
Dans l'après-midi, nous arrivons à Villa Alota, marquant le début du Sud Lipez. Nous quittons ainsi la route et empruntons une piste sablonneuse. Mais après dix kilomètres et deux rivières traversées, nous croisons un 4X4 qui nous apprend que nous faisons fausse route, la piste rejoignant directement la frontière chilienne, en évitant de nombreux points d'intérêts.
Nous faisons donc machine arrière et trouvons finalement la bonne route. Nous commençons alors une ascension durant laquelle la réparation effectuée sur ¡Caramba! cède. J'arrive quand même tant bien que mal à avancer pendant une demi-heure, jusqu'à ce que nous trouvions un endroit idéal pour passer la nuit.
Le lendemain matin, nous nous attelons à la réparation de ¡Caramba! pendant deux bonnes heures avant de reprendre le cours de notre ascension. Après deux heures d'effort, nous apercevons le volcan Ollaguë, situé du côté chillien de la frontière. A partir de là, nous attend l'enfer du Sud Lipez. Les premiers kilomètres se passent relativement bien. Mais très vite, la piste se dégrade et un violent vent de face se lève. Je ne peux presque pas avancer et en suis donc réduit à pousser ¡Caramba! la plupart du temps.
Je me dis que les sept prochains jours vont être très, très difficiles. D'autant plus que, d'après les topos, nous nous situons dans une partie « facile » du Lipez. Le problème, c'est que là où un vélo n'a besoin que d'une trace, mon tricycle en nécessite trois. Ainsi, Christoph peut avancer sans trop de problème en roulant dans les traces laissées par les 4x4. Mais de mon côté, les deux roues avant se retrouvent quasiment en permanence dans le sable profond, m'opposant une résistance incroyable, d'autant plus qu'avec mes réserves d'eau et de nourriture, je transporte plus de 40 kilos de matériel. L'effort m'épuise et est tellement intense que je ne peux même pas profiter du paysage grandiose dans lequel nous évoluons. Je vis un véritable calvaire, accentué en fin de journée par des températures devenant frigorifiques. A tel point que Christoph est obligé de venir m'aider à pousser sur les 500 derniers mètres pour rallier le lieu de bivouac. Je passe une très mauvaise nuit, ressassant sans cesse cette journée et me posant des questions sur la suite à donner à cette aventure. Epuisé alors qu'il nous reste encore sept jours jusqu'à San Pedro, avec un vélo mal en point et pas du tout adapté à ce terrain, je décide de renoncer tant qu'il en est encore temps.
C'est le cœur déchiré que j'annonce cette décision à Christoph le lendemain matin. Il n'est jamais facile d'abandonner un compagnon de route, mais continuer dans ces conditions ne serait pas raisonnable et je n'ai pas envie de mettre en péril la suite de mon voyage. Pour me sentir plus tranquille, je lui donne mon GPS et ma balise de détresse en espérant qu'il n'en n'aura pas besoin. Puis nous nous quittons après nous être donnés rendez-vous à San Pedro de Atacama pour partager une bonne bière.
Je refais alors la route en sens inverse et atteint Alota en fin d'après-midi, à la faveur d'un trajet globalement en descente. Je me renseigne alors sur les bus pour Uyuni car je n'ai aucune envie de parcourir à nouveau les 150 kilomètres d'altiplano. Un militaire me confirme qu'il y a bien un bus pour Uyuni … dans deux jours. Je gagne alors une route empruntée par les 4X4 revenant du Lipez pour faire du stop. La chance me sourit puisqu'après moins de dix minutes, la première voiture qui passe s'arrête et me dépose directement devant mon hôtel !
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