samedi 29 octobre 2011

J’ai roulé sur la mer !

La bonne impression que m’ont fait la veille les boliviens (enfin les hommes vous l’aurez compris !)  se confirme le lendemain matin, alors que nous nous ravitaillons au marché de Pisiga.

A la sortie du village, nous quittons la route pour emprunter une piste devant nous mener  au Salar de Coïpasa, que nous avons prévu de traverser intégralement du Nord au Sud pour rejoindre ensuite le Salar d’Uyuni. Tous les cyclo-voyageurs que j’ai rencontré en préparant ce voyage me l’ont confirmé : il s’agit des meilleures routes que l’on puisse trouver en Bolivie,avec une surface plate, plane et dure, offrant donc un très bon rendement.
En attendant, la piste est difficile car très sblonneuse, m’obligeant à pousser de nombreuses fois ¡Caramba!.
Après une vingtaine de kilomètres, nous apercevons enfin l’entrée du salar, synonyme de délivrance.



Rouler sur un salar procure des sensations magiques. On est très vite désorienté devant cette immensité blanche. Je me crois tantôt sur la neige, tantôt surt la mer. Le salar de Coïpasa, tout comme celui d’Uyuni, est d’ailleurs un vestige d’un immense lac salé préhistorique, le Lago Minchin, qui occupait un grande partie du Sud-Ouest de la Bolivie et du Nord-Est du Chili.
Mais très vite, le rêve se transforme en cauchemar. Nous  devons d’abord traverser une rivière glaciale. Celle-ci n’ayant pas l’air très profonde, je décide de passer en pédalant, mais rapidement je me retrouve le cul dans l’eau! Ayant assisté, hilare, à mes déboires, Christophe trouve, lui, un meilleur passage.

Ensuite, nous ne pouvons que constater que le salar n’est pas encore sec. En effet, pendant la saison des pluies – courant de décembre à mars - le salar est recouvert d’eau, le transformant en lac miroir. Normalement, l’eau est présente sur 5 à 10 centimètres mais cette année, en raison du phénomène El Niño, le salar a compté jusqu’à 60 centimètres d’eau. De plus, la couche de sel n’est pas très épaisse à cet endroit. Résultat, les vélos s’enfoncent et je dois déployer des efforts immenses pour avancer à 3 km/heure.

Nous avançons ainsi laborieusement deux heures durant avant d’atteindre une île sur laquelle nous décidons de déjeuner. De là, nous pouvons apercevoir la sortie du salar, entre deux montagnes. Celle-ci semble loin, très loin... Nous restons cependant optimistes car en observant le salar aux jumelles, je perçois une amelioration de la surface.
Cent mètres après être repartis, j’entends un gros crac sur ¡Caramba! et m’arrête aussitôt pour l’examiner. Verdict : la roulette servant à maintenir droite ma chaîne (longue comme près de trois chaînes de vélo normal) a cédé. En réalité, ça n’est pas la roulette elle-même qui a cédé mais la vis la maintenant au cadre. Pas de souci cependant puisque j’ai une pièce de rechange. Mais je déchante très vite en constatant qu’une partie de la vis cassée est coincée dans le pas de vis et qu’il m’est imposible de la retirer. Nous tentons alors plusieurs réparations de fortunes mais qui se révèlent toutes infructueuses. Nous nous posons finalement plus longuement pour tenter une réparation sérieuse. Car l’absence de roulette est plus préjudiciable que je ne le pensais : le tube guide-chaîne évolue en effet désormais en toute liberté, venant régulièrement se coincer dans le dérailleur avant. De plus, lorsqu’elle est en tension, la chaîne frotte contre mon cadre en plusieurs endroits. Une fois la chaine plus ou moins fixée, nous nous remettons en route et sommes bien obligés de constater que la situation ne s’améliore pas. Elle empire même puisque peu de temps après je me retrouve enfoncé dans un mélange se sel, de sable et de bue jusqu’aux genoux.



De plus, la chaleur devient extrême, renforcée par les rayons du sleil se reflètant sur la salar. En ce 26 octobre, jour de la Saint Dimitri, je vis l’une des pires journées du voyage. Car nous tournons en rond pour trouver un échapattoire à ce bourbier, mais partout nous ne trouvons qu’une surface molle et humide. Finalement, nous décidons de gagner l’extrêmité ouest du salar et après plus d’un heure à pousser nos machines, nous atteignons enfin la terre ferme où nous rejoignons la piste longeant le salar. Celle-ci est sablonneuse, nous obligeant à pousser régulièrement, mais nous permet tout de même de progresser moins difficilement que sur le salar. Le seul problème, c’est qu’en théorie, nous n’avons pas le droit d’être ici puisque ce côté du salar est situé en territoire chilien. Nous essayons donc d’avancer le plus rapidement possible en espérant ne pas tomber sur une des patrouilles de l’armée chilienne surveillant la frontière…
En fin d’après-midi, épuisé par toutes nos mésaventures et cette piste qui n’avance pas alors que l’on avait prévu de passer une journée facile, je fais, en désespoir de cause, un nouvel essai sur le salar. Et miracle, la surface est ici est nettement meilleure. Nous pouvons ainsi progresser à près de 10 km/heure. Et plus nous nous dirigeons vers le centre du salar, plus celui-ci est dur. Nous passons ainsi deux belles heures à rouler sur cette mer blanche en direction de la porte de sortie présummée du salar qui ne se rapproche toutefois guère. La luminosité de fin de journée rend l’endroit magique, magie renforcée par la sensation d’être seul au monde.


Nous installons ainsi nos tentes en plein milieu du salar. Même si la surface du salar n’est pas d’une duretée extrême, il nous est tout de même impossible de planter nos sardines. Nous utilisons donc les clous achetés préventivement à Arequipa pour sécuriser nos tentes car le salar peut être le lieu de violents coups de vent nocturnes. Nous assistons ensuite à un fabuleux coucher de soleil nous faisant oublier toutes les péripéties de la journée.



Après une superbe nuit sur le salar, nous reprenons la route en espérant que nous allons enfin pouvoir avancer sans effort, comme me l’ont raconté tant de cyclistes.  Ça n’est finalement pas fantastique mais c’est nettement mieux que la veille, avec une vitesse moyenne de 12-13 km/h, malgré quelques passages où nous devons pousser.
Une ultime observation aux jumelles confirme que la sortie du salar est bien là où nous pensions. Après un peu moins de trois heures, nous atteignons les “rives” du Salar de Coïpasa, où nous devons de nouveau pousser avant d’atteindre une piste … sablonneuse sur laquelle j’éprouve la plus grande difficulté à progresser.
Quelques kilomètres plus tard, nous voici au village de Tres Cruces. Le village semble désert, comme abandonné. Nous nous dirigeons alors vers la place principale pour trouver un signe de vie mais nous ne trouvons qu’une éolienne rouillée et un puit désaffecté. Le vent soulève la terre et quelques papiers s’envolent. On se croirait dans Il était une fois dans l’Ouest!


Finalement, un homme apparaît, à qui nous demandons s’il est possible de se ravitaller. Il nous conduit alors au nouveau puit du village, profond de 22 mètres, d’où il extrait un seau d’une eau fraîche et délicieuse. Puis il nous conduit chez son oncle qui, a 95 ans, tient encore l’épicerie du village!
La route menant au salar d’Uyuni est plus longue que prévue puisqu’il nous faut parcourir près de 20 kilomètres dans le sable et la rocaille.



Sur cette piste traversant quelques villages, un homme nous confirme qu’il n’a jamais vu autant d’eau sur les salars que cette année. Il nous rassure cependant en affirmant que le salar d’Uyuni est désormais sec, car la couche de sel y est bien plus importante que sur celui de Coïpasa. Nous aimerions le croire mais les cinq premiers kilomètres que nous parcourons sur le salar ne lui donnent pas raison, avec une surface encore bien humide. Nous passons d’ailleurs près d’un camion bloqué dans le sel depuis trois jours. En bon badauts, nous restons plusieurs minutes à regarder les hommes s’employer à sortir le camion de cette mauvaise passe. Nous discutons avec eux et avant de partir, alors que la situation n’a pas évoluée, ils nous donnent des bananes et un sac de feuilles de coca.

Nous roulons ensuite deux heures sur ce salar magique, le plus grand  du monde. D’une surface de plus de 12.000 kilomètres carrés, le salar d’Uyuni mesure ainsi 150 kilomètres de longueur et 100 kilomètres de largeur aux extrêmités les plus importantes. Pour notre plus grand bonheur et celui des touristes, ce salar n’est pour l’instant exploité que de manière très artisanale, avec une production annuelle de sel (de table) de 20.000 tonnes, pour un gisement estimé à plus de dix milliards de tonnes.



Mais cette situation pourrait malheureusement ne pas durer. Car le salar représente aussi un gisement colossal de lithium, estimé à 140 millions de tonnes, soit un tiers des réserves exploitables de la planète. Et la Bolivie étant un pays très pauvre, la tentation est grande de céder aux propositions des multinationales du secteur. Le président bolivien Evo Morales serait ainsi en négocation avec plusieurs d’entre elles pour faire monter les enchères…
En attendant, nous profitons une nouvelle fois du fabuleux spectacle du coucher de soleil et de ce panorama unique.  Nous pouvons notamment – enfin ! – admirer  les célèbres hexagones à la surface du salar, fruit d’une lente évaporation.


Pour notre troisième jour de salar, nous ne trouvons toujours pas les conditions idéales tant attendues. En moins de trois heures cependant, mon GPS nous ammène à l’Isla del Pesacado, une des vingt-cinq “îles” du salar, où nous tombons sur un groupe de touristes français forts sympathiques. Après avoir longuement discutés avec eux, ces derniers nous invitent finalement à patager leur déjeuner sur la plage de l’île, ce que nous acceptons avec plaisir. Puis, nous décidons d’aller explorer un peu plus en profondeur cette île superbe, certainement la plus belle du salar. Celle-ci est en effet peuplée d’inombrables cactus géants, dépassant parfois les trois mètres de hauteur et compte de très nombreux coraux morts, attestant que ce salar a bien été une mer autrefois. Une fois arrivé au sommet, deux cents mètres au-dessus du salar, la vue est tout simplement stupéfiante. A l’infini, un horizon blanc s’étend devant nous sur 360 degrés.



Nous prenons ensuite la direction de l’Isla Incahuasi, une des attractions majeures du salar, que mon GPS m’indique à 22 kilomètres. Un vent de dos nous permet d’avancer à bonne allure mais à cinq kilomètres de l’île, l’improbable se produit : Christophe crève à l’arrière !



Nous arrivons finalement à l’île au coucher du soleil alors que les derniers touristes sont sur le départ. Bien plus touristique, cette île est pour moi beaucoup moins belle que l’Isla del Pescado. Elle est aussi bien moins sauvage puisqu’un un restaurant y a été construit.  Bref, elle ne mérite vraiment pas le détour, d’autant plus qu’il faut payer pour la visiter! Nous ne restons donc ici que quelques minutes, le temps de reconstituer nos réserves d’eau puis reprenons la route au crépuscule. Nous roulons ensuite pendant une petite heure sur le salar, simplement éclairés par la lune et les ultimes reflets du soleil. Avant d’aller nous coucher, nous savourons avec délice une bière achetée au restaurant de l’Isla Incahuasi, complétant ainsi à merveille un tableau déjà parfait que rien ne peut venir gaché, pas même la casse de la fermeture éclair de ma tente intérieure…

Au réveil, je tente de réparer cette fichue fermeture éclaire. Je soufle ainsi dessus pour oter toute la poussière et le sel ayant pu s’incruster. Je passe ensuite du lubrifiant, mais rien à faire, le zip fonctionne dans le vide. Et cela après moins de trois mois d’utilistion pour une tente que j’ai payé 500 euros! Mais le lever du soleil me fait vite oublier ces petits tracas matériels et c’est toujours autant émerveillés que nous nous mettons en route pour notre quatrième et dernier jour  de salar. La fatigue commence cependant à se faire sentir car voilà onze jours que nous avons quittés Arica.
La partie sud du salar dans laquelle nous évoluons désormais est nettement plus touristique. Nous apercevons de nombreux 4x4 et surtout les pistes se multiplient. Mais grâce au précieux GPS offert par mes parents, nous arrivons sans encombre à la sortie du salar, où nous croisons Juergen, un cycliste allemand parti il y a seize mois d’Alaska et se rendant également à Ushuaia. Arrivé à Uyuni directement depuis La Paz, il n’a pas encore visité le salar et compte donc y passer deux ou trois jours. Nous échangeons quelques bons plans et avant de nous quitter, il nous recommande un hôtel à Uyuni.


Encore 30 kilomètres de route chaotique et nous arrivons enfin à Uyuni - avec près de deux jours de retard sur notre planning initial -, épuisés, assoiffés et affamés.

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