samedi 29 octobre 2011

J’ai roulé sur la mer !

La bonne impression que m’ont fait la veille les boliviens (enfin les hommes vous l’aurez compris !)  se confirme le lendemain matin, alors que nous nous ravitaillons au marché de Pisiga.

A la sortie du village, nous quittons la route pour emprunter une piste devant nous mener  au Salar de Coïpasa, que nous avons prévu de traverser intégralement du Nord au Sud pour rejoindre ensuite le Salar d’Uyuni. Tous les cyclo-voyageurs que j’ai rencontré en préparant ce voyage me l’ont confirmé : il s’agit des meilleures routes que l’on puisse trouver en Bolivie,avec une surface plate, plane et dure, offrant donc un très bon rendement.
En attendant, la piste est difficile car très sblonneuse, m’obligeant à pousser de nombreuses fois ¡Caramba!.
Après une vingtaine de kilomètres, nous apercevons enfin l’entrée du salar, synonyme de délivrance.



Rouler sur un salar procure des sensations magiques. On est très vite désorienté devant cette immensité blanche. Je me crois tantôt sur la neige, tantôt surt la mer. Le salar de Coïpasa, tout comme celui d’Uyuni, est d’ailleurs un vestige d’un immense lac salé préhistorique, le Lago Minchin, qui occupait un grande partie du Sud-Ouest de la Bolivie et du Nord-Est du Chili.
Mais très vite, le rêve se transforme en cauchemar. Nous  devons d’abord traverser une rivière glaciale. Celle-ci n’ayant pas l’air très profonde, je décide de passer en pédalant, mais rapidement je me retrouve le cul dans l’eau! Ayant assisté, hilare, à mes déboires, Christophe trouve, lui, un meilleur passage.

Ensuite, nous ne pouvons que constater que le salar n’est pas encore sec. En effet, pendant la saison des pluies – courant de décembre à mars - le salar est recouvert d’eau, le transformant en lac miroir. Normalement, l’eau est présente sur 5 à 10 centimètres mais cette année, en raison du phénomène El Niño, le salar a compté jusqu’à 60 centimètres d’eau. De plus, la couche de sel n’est pas très épaisse à cet endroit. Résultat, les vélos s’enfoncent et je dois déployer des efforts immenses pour avancer à 3 km/heure.

Nous avançons ainsi laborieusement deux heures durant avant d’atteindre une île sur laquelle nous décidons de déjeuner. De là, nous pouvons apercevoir la sortie du salar, entre deux montagnes. Celle-ci semble loin, très loin... Nous restons cependant optimistes car en observant le salar aux jumelles, je perçois une amelioration de la surface.
Cent mètres après être repartis, j’entends un gros crac sur ¡Caramba! et m’arrête aussitôt pour l’examiner. Verdict : la roulette servant à maintenir droite ma chaîne (longue comme près de trois chaînes de vélo normal) a cédé. En réalité, ça n’est pas la roulette elle-même qui a cédé mais la vis la maintenant au cadre. Pas de souci cependant puisque j’ai une pièce de rechange. Mais je déchante très vite en constatant qu’une partie de la vis cassée est coincée dans le pas de vis et qu’il m’est imposible de la retirer. Nous tentons alors plusieurs réparations de fortunes mais qui se révèlent toutes infructueuses. Nous nous posons finalement plus longuement pour tenter une réparation sérieuse. Car l’absence de roulette est plus préjudiciable que je ne le pensais : le tube guide-chaîne évolue en effet désormais en toute liberté, venant régulièrement se coincer dans le dérailleur avant. De plus, lorsqu’elle est en tension, la chaîne frotte contre mon cadre en plusieurs endroits. Une fois la chaine plus ou moins fixée, nous nous remettons en route et sommes bien obligés de constater que la situation ne s’améliore pas. Elle empire même puisque peu de temps après je me retrouve enfoncé dans un mélange se sel, de sable et de bue jusqu’aux genoux.



De plus, la chaleur devient extrême, renforcée par les rayons du sleil se reflètant sur la salar. En ce 26 octobre, jour de la Saint Dimitri, je vis l’une des pires journées du voyage. Car nous tournons en rond pour trouver un échapattoire à ce bourbier, mais partout nous ne trouvons qu’une surface molle et humide. Finalement, nous décidons de gagner l’extrêmité ouest du salar et après plus d’un heure à pousser nos machines, nous atteignons enfin la terre ferme où nous rejoignons la piste longeant le salar. Celle-ci est sablonneuse, nous obligeant à pousser régulièrement, mais nous permet tout de même de progresser moins difficilement que sur le salar. Le seul problème, c’est qu’en théorie, nous n’avons pas le droit d’être ici puisque ce côté du salar est situé en territoire chilien. Nous essayons donc d’avancer le plus rapidement possible en espérant ne pas tomber sur une des patrouilles de l’armée chilienne surveillant la frontière…
En fin d’après-midi, épuisé par toutes nos mésaventures et cette piste qui n’avance pas alors que l’on avait prévu de passer une journée facile, je fais, en désespoir de cause, un nouvel essai sur le salar. Et miracle, la surface est ici est nettement meilleure. Nous pouvons ainsi progresser à près de 10 km/heure. Et plus nous nous dirigeons vers le centre du salar, plus celui-ci est dur. Nous passons ainsi deux belles heures à rouler sur cette mer blanche en direction de la porte de sortie présummée du salar qui ne se rapproche toutefois guère. La luminosité de fin de journée rend l’endroit magique, magie renforcée par la sensation d’être seul au monde.


Nous installons ainsi nos tentes en plein milieu du salar. Même si la surface du salar n’est pas d’une duretée extrême, il nous est tout de même impossible de planter nos sardines. Nous utilisons donc les clous achetés préventivement à Arequipa pour sécuriser nos tentes car le salar peut être le lieu de violents coups de vent nocturnes. Nous assistons ensuite à un fabuleux coucher de soleil nous faisant oublier toutes les péripéties de la journée.



Après une superbe nuit sur le salar, nous reprenons la route en espérant que nous allons enfin pouvoir avancer sans effort, comme me l’ont raconté tant de cyclistes.  Ça n’est finalement pas fantastique mais c’est nettement mieux que la veille, avec une vitesse moyenne de 12-13 km/h, malgré quelques passages où nous devons pousser.
Une ultime observation aux jumelles confirme que la sortie du salar est bien là où nous pensions. Après un peu moins de trois heures, nous atteignons les “rives” du Salar de Coïpasa, où nous devons de nouveau pousser avant d’atteindre une piste … sablonneuse sur laquelle j’éprouve la plus grande difficulté à progresser.
Quelques kilomètres plus tard, nous voici au village de Tres Cruces. Le village semble désert, comme abandonné. Nous nous dirigeons alors vers la place principale pour trouver un signe de vie mais nous ne trouvons qu’une éolienne rouillée et un puit désaffecté. Le vent soulève la terre et quelques papiers s’envolent. On se croirait dans Il était une fois dans l’Ouest!


Finalement, un homme apparaît, à qui nous demandons s’il est possible de se ravitaller. Il nous conduit alors au nouveau puit du village, profond de 22 mètres, d’où il extrait un seau d’une eau fraîche et délicieuse. Puis il nous conduit chez son oncle qui, a 95 ans, tient encore l’épicerie du village!
La route menant au salar d’Uyuni est plus longue que prévue puisqu’il nous faut parcourir près de 20 kilomètres dans le sable et la rocaille.



Sur cette piste traversant quelques villages, un homme nous confirme qu’il n’a jamais vu autant d’eau sur les salars que cette année. Il nous rassure cependant en affirmant que le salar d’Uyuni est désormais sec, car la couche de sel y est bien plus importante que sur celui de Coïpasa. Nous aimerions le croire mais les cinq premiers kilomètres que nous parcourons sur le salar ne lui donnent pas raison, avec une surface encore bien humide. Nous passons d’ailleurs près d’un camion bloqué dans le sel depuis trois jours. En bon badauts, nous restons plusieurs minutes à regarder les hommes s’employer à sortir le camion de cette mauvaise passe. Nous discutons avec eux et avant de partir, alors que la situation n’a pas évoluée, ils nous donnent des bananes et un sac de feuilles de coca.

Nous roulons ensuite deux heures sur ce salar magique, le plus grand  du monde. D’une surface de plus de 12.000 kilomètres carrés, le salar d’Uyuni mesure ainsi 150 kilomètres de longueur et 100 kilomètres de largeur aux extrêmités les plus importantes. Pour notre plus grand bonheur et celui des touristes, ce salar n’est pour l’instant exploité que de manière très artisanale, avec une production annuelle de sel (de table) de 20.000 tonnes, pour un gisement estimé à plus de dix milliards de tonnes.



Mais cette situation pourrait malheureusement ne pas durer. Car le salar représente aussi un gisement colossal de lithium, estimé à 140 millions de tonnes, soit un tiers des réserves exploitables de la planète. Et la Bolivie étant un pays très pauvre, la tentation est grande de céder aux propositions des multinationales du secteur. Le président bolivien Evo Morales serait ainsi en négocation avec plusieurs d’entre elles pour faire monter les enchères…
En attendant, nous profitons une nouvelle fois du fabuleux spectacle du coucher de soleil et de ce panorama unique.  Nous pouvons notamment – enfin ! – admirer  les célèbres hexagones à la surface du salar, fruit d’une lente évaporation.


Pour notre troisième jour de salar, nous ne trouvons toujours pas les conditions idéales tant attendues. En moins de trois heures cependant, mon GPS nous ammène à l’Isla del Pesacado, une des vingt-cinq “îles” du salar, où nous tombons sur un groupe de touristes français forts sympathiques. Après avoir longuement discutés avec eux, ces derniers nous invitent finalement à patager leur déjeuner sur la plage de l’île, ce que nous acceptons avec plaisir. Puis, nous décidons d’aller explorer un peu plus en profondeur cette île superbe, certainement la plus belle du salar. Celle-ci est en effet peuplée d’inombrables cactus géants, dépassant parfois les trois mètres de hauteur et compte de très nombreux coraux morts, attestant que ce salar a bien été une mer autrefois. Une fois arrivé au sommet, deux cents mètres au-dessus du salar, la vue est tout simplement stupéfiante. A l’infini, un horizon blanc s’étend devant nous sur 360 degrés.



Nous prenons ensuite la direction de l’Isla Incahuasi, une des attractions majeures du salar, que mon GPS m’indique à 22 kilomètres. Un vent de dos nous permet d’avancer à bonne allure mais à cinq kilomètres de l’île, l’improbable se produit : Christophe crève à l’arrière !



Nous arrivons finalement à l’île au coucher du soleil alors que les derniers touristes sont sur le départ. Bien plus touristique, cette île est pour moi beaucoup moins belle que l’Isla del Pescado. Elle est aussi bien moins sauvage puisqu’un un restaurant y a été construit.  Bref, elle ne mérite vraiment pas le détour, d’autant plus qu’il faut payer pour la visiter! Nous ne restons donc ici que quelques minutes, le temps de reconstituer nos réserves d’eau puis reprenons la route au crépuscule. Nous roulons ensuite pendant une petite heure sur le salar, simplement éclairés par la lune et les ultimes reflets du soleil. Avant d’aller nous coucher, nous savourons avec délice une bière achetée au restaurant de l’Isla Incahuasi, complétant ainsi à merveille un tableau déjà parfait que rien ne peut venir gaché, pas même la casse de la fermeture éclair de ma tente intérieure…

Au réveil, je tente de réparer cette fichue fermeture éclaire. Je soufle ainsi dessus pour oter toute la poussière et le sel ayant pu s’incruster. Je passe ensuite du lubrifiant, mais rien à faire, le zip fonctionne dans le vide. Et cela après moins de trois mois d’utilistion pour une tente que j’ai payé 500 euros! Mais le lever du soleil me fait vite oublier ces petits tracas matériels et c’est toujours autant émerveillés que nous nous mettons en route pour notre quatrième et dernier jour  de salar. La fatigue commence cependant à se faire sentir car voilà onze jours que nous avons quittés Arica.
La partie sud du salar dans laquelle nous évoluons désormais est nettement plus touristique. Nous apercevons de nombreux 4x4 et surtout les pistes se multiplient. Mais grâce au précieux GPS offert par mes parents, nous arrivons sans encombre à la sortie du salar, où nous croisons Juergen, un cycliste allemand parti il y a seize mois d’Alaska et se rendant également à Ushuaia. Arrivé à Uyuni directement depuis La Paz, il n’a pas encore visité le salar et compte donc y passer deux ou trois jours. Nous échangeons quelques bons plans et avant de nous quitter, il nous recommande un hôtel à Uyuni.


Encore 30 kilomètres de route chaotique et nous arrivons enfin à Uyuni - avec près de deux jours de retard sur notre planning initial -, épuisés, assoiffés et affamés.

mardi 25 octobre 2011

Au pays des volcans

Nous quittons le poste frontière de Chungara au petit matin, alors que la file de camion en attente pour entrer au Chili est toujours aussi longue. De notre côté nous n’avons pas prévu de passer tout de suite en Bolivie. Nous quittons la route pour emprunter une piste sablonneuse longeant la frontière sur près de deux cents kilomètres. Dès les premiers hectomètres, les paysages sont à coupper le souffle puisque nous longeons pas moins d’une dizaine de volcans - presque tous culminant au-delà des 6.000 mètres – dont un crache des fumerolles.




Mais ma progression est rendue difficile par la pente et le sable. Même après avoir dégonflé mes pneus, j’éprouve la plus grande difficulté à avancer.


Je dois réglièrement pousser et c’est avec soulagement que j’entrevois la fin de la montée. Cepndant, je me dis que la traversée du Lipez va être compliquée…
Après quatre kilomètres de descente dans laquelle je prends un vrai plaisir à piloter ¡Caramba!, nous arrivons aux termes de Polques. Naturels et en plein air, ces termes sont pour nous l’occasion de nous laver pour la première fois depuis le départ d’Arica. Nous avons, de plus, la chance d’être seuls pour profiter pleinement de ce bain à 40 degrés tout en admirant les volcans aux alentours.


Après une heure de pause, nous reprenons notre route sur cette belle piste déserte. Evoluant au coeur du Parc National Las Vicuñas (du nom de l’animal la vigone), celle-ci nous offre de sompteux paysages. Nous pouvons également voir de très nombreuses tornades, dont certaines, mesurant plusieurs dizianes de mètres de haut traversent la route juste devant nous. A cet instant, c’est “Le bonheur au bout du guidon” pour reprendre le titre d’un célèbre récit de voyage à vélo de Cristophe Cousin !


La fin de journée est rendue plus difficile par une piste fortement dégradée par de la “tôle ondulée”. Mais la magie du paysage est la plus forte et nous fait avancer jusqu’au coucher du soleil où nous plantons les tentes juste au bord de la route et ce, sans aucune crainte puisqu’il n’y a tout simplement personne.



La magie se poursuit le lendemain. Après une brève montée, nous découvrons l’immense étendue blanche du Salar de Surire, le premier salar du voyage me concernant. A l’entrée du Salar, nous tombons sur un gardien qui nous précise qu’il n’est pas possible de rouler dessus. Le salar est en effet exploité pour l’antimoine et surtout pour le sel lui-même, qui contient du lithium, utilisé pour les batteries de nos téléphones portables et appereils photos notamment. Etant moi même utilisateur de ces appareils, je ne peux pas m’insurger contre cette situation, mais en même temps, vu le rythme effréné des aller-retours de camions, je ne suis pas certain qu’il restera grand chose du salar dans quinze ou vingt ans.

Le gardien nous explique également, en nous montrant le poste des Carabineros, que même s’il nous laissait passer, cela serait une très mauvaise idée. Le salar est en effet un important couloir pour le traffic de drogue entre le Chilie et la Bolivie toute proche. Et les carabineros n’hésitent visiblement pas à tirer dès qu’ils aperçoivent quelqu’un de non acrédité sur le salar. Nous apprenons ainsi que la veille, un bolivien a été arrêté avec vingt kilogrammes de cocaïne en sa possession.
Nous suivons donc gentiment la piste officielle faisant le tour du salar et ne le regrettons pas car l’extrêmité sud du salar n’est pas encore exploitée et demeure donc sauvage. Il nous est notamment donné d’admirer de très nombreux flamants roses et vigones.


En quittant le salar, nous entamons une longue et difficile montée nous menant à 4.600 mètres où je dois pousser ¡Caramba! à de nombreuses reprises. Mais là encore, les paysages sont magnifiques et très différents de ceux de la veille. Durant la montée, nous avons également la chance de pouvoir observer le vol d’un couple de condors.




Nous entamons ensuite une superbe descente nous menant à un cirque entouré de volcans, dont le sublime Volcan Isluga. L’endroit est idéal pour camper et c’est avec l’un des plus beaux couchers de soleil du voyage que nous savourons un maté de coca bien mérité.




La nuit a été bonne et étonnamment chaude pour un bivouac à 4.200 mètres. Le lever du soleil est tout aussi sublime que ne l’a été le coucher et c’est donc plein d’entrain que nous nous mettons en route, malgré une piste encore plus mauvaise que la veille. Nous devons notamment affronter une section interminable de tôle ondulée en faux plat montant de près de trente kilomètres.



Dans ces paysages désertiques, nous ne croisons personnes. Comme depuis notre départ d’Arica, la plupart des villages indiqués sur ma carte sont soit abandonnés soit inexistants. Et lorsqu’ils existent ils ne sont souvent composés que d’une ou deux maisons.



Heureusement, nous avions pris nos précautions en emmenant beaucoup de vivre. Mais après une semaine de nourriture lyophilisée, nous rêvons d’un vrai bon repas. Ca sera normalement pour ce soir, à Colchane, à la frontière bolivienne.
En milieu de journée, je commence à avoir mal aux yeux. J’ai déjà eu plusieurs fois cette douleur, probablement due à la combinaison d’un air très sec, d’une forte luminosité et de beaucoup de poussière. Mais contrairement aux autres fois, la douleur ne disparaît pas, au contraire, elle s’intensifie. Au bout d’une heure et  demie, la douleur est si forte que je ne peux plus pédaler. Je suis contraint de m’arrêter et de m’abriter de longues minutes sous ma veste, faute d’ombre naturelle. Je rince abondamment mes yeux à l’aide de serum physiologique et nous nous remettons en route. Mais rapidement, la douleur revient, insuportable. Je vis un véritable calvaire toute l’après-midi et c’est avec soulagement que nous atteignons Colchane, dernier village chillien avant la frontière, vers 17h00. Je rentre vite dans le seul restaurant du village pour fuir le soleil. Nous commandons également chacun un énorme plat de riz, frites, oeufs et légumes que nous engloutissons en quelques minutes.
Nous prenons ensuite la direction de la frontière bolivienne, distante de seulement quelques kilomètres. Le vent souffle tellement fort que nous n’avons pas besoin de donner un coup de pédale pour arriver au poste frontière.


L’accueil des douaniers, chiliens comme boliviens, est chaleureux. Histoire de les mettre complètement dans la poche, je les laisse faire un petit tour de ¡Caramba! Résultat, ils nous donnent un visa de 90 jours au lieu des 30 normalement accordés. Nous les quittons avant que la nuit ne tombe et rejoignons le tout proche village de Pisiga Bolivar. Nous percevons tout de suite une différence avec la population péruvienne. Les Boliviens semblent plus réservés et plus respectueux que les Péruviens. Nous traversons ainsi le village sans entendre voler un seul “Gringo”. Puis, lorsque nous nous arrêtons devant notre hôtel, les personnes s’approchent timidement et entament la discussion sans avoir besoin de toucher le vélo ! Enfin, ils ne viennent pas nous déranger pendant que nous sommes en train de manger quand les Péruviens venaient sans complexe s’asseoir à notre table alors même que l’on pouvait voir que l’on était affamés et épuisés. Malgré tous les défaults cités qui fait aussi leur charme, je ne voudrais pas que l’on pense que j’ai une dent contre les Péruviens qui m’ont réservé un accueil fabuleux pendant trois mois. Par ailleurs, il faut nuancer mes propos sur les Boliviens car si les hommes se montrent forts chaleureux avec nous, ça n’est pas du tout le cas des femmes qui sont d’une froideur extrême et même d’une grande brutalité dans leur manière de se comporter avec nous, à la limite de l’impolitesse. Il paraìt d’ailleurs qu’en Bolivie, ce sont les femmes qui portent la culotte …

samedi 22 octobre 2011

Eprouvante Vallée de Lluta

Après trois jours de pause, il est temps de reprendre la route. Mais ce matin, le réveil est difficile. Car ces trois jours n’ont pas été de tout repos. Il a fallu tout d’abord absorber les deux heures de décalage horaire. Ensuite, la mise à jour du blog et la préparation de la suite du voyage m’ont demandé beaucoup d’énergie.
C’est donc dans un état de fraicheur tout relatif que nous quittons Arica en fin de matinée. Nous commençons par remonter la côte pacifique en direction du Pérou sur une dizaine de kilomètres avant de nous enfoncer dans les terres et de pénétrer dans la Vallée de Lluta. Marquant le début du désert d’Atacama, cette vallée aride signifie aussi pour nous le début d’une ascension de près de 180 kilomètres devant nous mener à plus de 4.500 mètres d’altitude.


Sur cette route, en plus de la chaleur, on nous a promis l’enfer  des  camions boliviens et de leur chauffeurs à la réputationpour le moins sulfureuse. En effet, la Bolivie n’ayant pas de littoral, cette route constitueson principal point d’accès à l’Océan. Elle est ainsi empruntée chaque jour par 1.200 camions ralliant le port d’Arica à La Paz.
Mais sur les premiers kilomètres, la route – parfaitement asphaltée – est plutôt agréable.


La pente est douce, un léger vent de Nord-Ouest nous porte et nous n’apercevons que trèspeu de camions. De plus lorsque cela se produit, les chauffeurs nous saluent chaleureusement et, à la différence de leurs homologues péruviens, sans kaxonner à hauteurd’oreille. Je pense d’ailleurs que j’ai perdu une partie de mon audition du côté gauche à force de subir les incessants coups de klaxons,véritable sport national au Pérou !
Mais très vite les choses se gâtent, la chaleur devient intense et la pente se raidit



Au détour d’un virage en épingle, nous apercevons la première carcasse de camion tombée dans le ravin.



Une scène qui va se reproduire plusieurs fois pendant l’ascension. Après 1.400 mètres de dénivelé positif avalés, nous plantons la tente à l’abri du regard des chauffeurs boliviens en plein désert et jouissons d’un splendide coucher de soleil.



Malgré une bonne nuit de sommeil, la fatigue est bien présente au réveil, annonçant une journée difficile. Et cela va très vite se confirmer.

D’une part, les paysages sont monotones et notre vue ne porte jamais à plus d’un kilomètres. D’autre part, la chaleur s’installe dès les premières heures du jour pour rapidement dépasser les 30 degrés. Il fait tellement chaud que je n’arrive presque pas à m’alimenter et que nos réserves d’eau diminuent de façon dramatique, nous obligeant à rationner notre consommation. C’est donc épuisés et assoiffés que nous arrivons en fin d’après-midi sur un plateau à 3.000 mètres d’altitude. Heureusement, après quelques kilomètres, nous apercevons au loin une habitation, la première depuis plus de 70 kilomètres. Posée en plein désert et rassemblant un étonnantbric-à-brac, celle-ci semble être la demeure d’un original ayant voulu fuir le monde moderne, me rappellant en cela certaines maisons de CooberPeddy, au nord d’Adelaïde, en Australie.



A la vue du propriétaire, mon intuition se confirme. Alexis, un sexagénaire italien a barroudé de nombreuses années avant de poser ses valises au Chili en 1971 et de se retirer ici, au milieu de nulle part deux ans plus tard, à l’arrivée de Pinochet au pouvoir. Pour subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa (jeune) femme et de ses (très jeunes) enfants, il a transformé sa suprenante habitation en auberge pour touristes à qui il propose des initiations à l’astronomie. Le ciel du Chili est en effet réputé pour offrir les meilleurs conditions d’observations. Les plus grandstéléscopes du monde se situent d’ailleurs tous dans cette région du désert d’Atacama.
Hippie affirmé, Alexis nous dit toute sa haine et son mépris pour le monde moderne, la politique, la société de consommation… Cela ne l’empêche cependant pas de nous facturer deux matés de cocas et deux sandwichs à un prix prohibitif! Nous quittons donc rapidement ce lieu plein de contradictions et trouvons quelques kilomètres un parfait lieu de bivouac à l’écart de la route et à l’abri du vent.
Nous attaquons notre troisième jour d’ascension en espérant que ce sera le dernier car la lassitude commence à peser. Mais la dureté de l’effort est compensée par le fabuleux panorama que nous commençons à entrevoir en entrant dans le Parc national de Lauca.


Devant nous en effet, se dressent d’inombrables volcans, dont beaucoup dépassent les 6.000 mètres. De plus, si l’altitude rend la respiration plus difficile, elle nous apporte aussi de la fraîcheur, bienvenue après deux jours d’intense chaleur.

Arrivés à Putre, alors que nous pensions avoir fait le plus dur, nous découvrons que la route s’élève brutalement, avec des pourcentages supérieurs à 8 %. Pour me donner du courage, je détourne la tête de la route et admire le sompteuxpaysage qui s’étend devant moi. Mais la chute d’unepierre – heureusement de petite taille – sur mon crâne me rappelle rapidement à la réalité et à la nécessité de rester concentré sur ces routes de montagne.
Arrivés à 4.000 mètresd’altitude, la route s’aplanit enfin quelquepeu. Je n’ai cependant pas le temps de savourer cette bonne nouvelle car quelques hectomètres plus loin, j’ai la désagréable surprise de découvrir que la route asphaltée laisse la place à une piste de gravier. Et comme par hasard, nous croisons à partir de ce moment là d’inombrables camions, nous étouffant dans d’épais nuages de poussières.

Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, un vent glacial se lève presque simultanément, nous faisant perdre près de dix degrés instantanément. Puis, cinq minutes plus tard nous nous retrouvons privés de soleil, faisant plonger encore un peu plus la température. Par chance, nous trouvons immédiatement un lieu de bivouac. Mais avec ce froid extrême et ce vent infernal, j’éprouve la plus grande difficulté à monter ma tente. Malgré mes gants, je ressens une affreuse douleur aux mains. Avec l’aide de Christoph, je parviens finalement à m’installer, mais il me faut près d’une heure avant de me réchauffer. Trop fatigués pour cuisiner, nous nous contentons de quelques galettes, blottis au fond de nos duvets, avant de nous endormir. Mais très vite je suis réveillé par le vent, qui continue à souffler pendant un bon moment. De plus, l’air est tellement sec que j’ai du mal à respirer. Résultat, je ne dors que quelques heures.
Au matin, je constate que la température est descendue en-dessous de zéro dans la tente. Les parois interieures sont ainsi recouvertes de givre et l’eau de ma gourde s’est transformée en glaçon. Dehors, le petit ruisseau à coté duquel nous avons plantés les tentes et qui coulait normalement la veille est lui aussi complètement gelé. Renseignement pris, nous apprenons que le thermomètre a atteint les - 15 degrés cette nuit!

En plus du manque de sommeil, ma fatigue est accentuée par l’altitude. Car nous sommes à près de 4.200 mètres d’altitude et la route ne semble jamais vouloir s’arrêter de monter.   De plus, je ne peux pas m’hydrater car l’eau de mon bidon et de mon camelback ne dégèle pas. Il fait en effet encore très froid ce matin. Heureusement après dix laborieux kilomètres, nous tombons sur des ouvriers travbaillant à la construction de la route qui nous ravitaillent en eau. Mais nous devons désormais conjuguer avec une piste de plus en plus mauvaise, très poussièrieuse et présentant de nombreuses sections de “tôle ondulée”.



Enfin, vers 16h00, nous atteignons le sommet du col où nous retrouvons une route asphaltée. La descente  nous offre alors une vue magnifique sur le Lago Chungara et sur les volcans Parinacota (Chili) et Sajama (Bolivie), trônant à plus de 6.300 mètres et sublimes avec leur cônes parfaits.








Arrivé au lac, le paysage est quelque peu gaché par le complexe douanier de Chungara. La frontière bolivienne se situe en effet à moins de dix kilomètres et les autorités chiliennes contrôlent ici tous les camions provenant de Bolivie, formant une file impressionnante s’étendant sur près de deux kilomètres.

Comme il se fait déjà tard et que nous ne voulons pas revivre le cauchemar d’hier, nous demandons l’hospitalité aux carabineros chiliens, qui nous offrent un hangar désafecté pour la nuit.



Après quatre jours d’ascension, nous nous cuisinons un bon plat de pates agrémenté, comble du luxe, d’une sauce tomate, en admirant le Parinacota rougi par le soleil  couchant.